Autonomie Sexuelle :

Etre ma Best-friend et ma partenaire privilégiée !

Me reconnecter à mon identité et mes origines Caribéenne m’ont sauvée la vie ces derniers mois.

Je me suis rendue compte que c’était une identité que pendant longtemps, que je ne revendiquais qu’à demi mots, tantôt teintée de honte, tantôt teintée d’ignorance.

Je pense ne pas avoir grandi dans la fierté et dans la revendication d’être guadeloupéenne et dominiquaise et cela peut être vécu comme une souffrance d’avoir honte de ce que l’on est et représente.

Pour contextualiser cette honte, la société française ET blanche a appliqué de méchants préjugés et stéréotypes envers les personnes originaires des Antilles françaises, dont je ne ferai ici pas l'énumération.

Ces stéréotypes et préjugés ont laissé des traces dans la manière dont j'ai construit mon identité de femme noire et mon identité sexuelle par le fait que j'ai voulu à tout prix m’affranchir de ces images négatives ne souhaitant ne pas être assimilée à des personnes que la société française discriminent et moquent.

Être française, porter un nom à consonance anglaise ne me protège ni du racisme, ni du sexisme, ni des discriminations.

La mysogynoir, terme introduit par Moya Bailey, chercheuse, militante féministe noire américaine, pour explique les discriminations racistes ET sexistes à l'égard des femmes noires (et toutes - en raison du colorisme qui donnent également naissance à l'exotisme et la fétichisation...)

Ces discriminations se sont parfois invitées dans ma vie intime.

Ce n’est que bien tard que je réalise l’incidence ET la responsabilité du passé colonial de la France qui a contribué à rendre mon peuple dépendant de l’économie française, a criminalisé les caribéen.n.e.s à chaque fois qu’iels se sont soulevé.e.s et a imposé la départementalisation et le BUMIDOM qui ont eu pour conséquence de vider ces territoires d’une partie de leurs richesses humaines.

Je vous invite d'ailleurs, si vous en avez l'occasion, de visiter la page Instagram Retour au péyi qui diffuse des témoignages de repatriation dans les DROM et ROM (DROM : Département d'Outre-Mer ; COM : Collectivités d'Outre-Mer).

Aujourd'hui, je n’envisage ma négritude QUE et PAR le prisme d’être une femme noire et caribéenne dont les ancêtres ont été esclavagisé.e.s au service et pour enrichir les pays dits occidentaux.

Je n’envisage ma négritude que par les souffrances que cette histoire m’a léguée, mais pour autant ne représentent pas mon identité.

Je n'envisage ma négritude par le fait d’être le parent de deux enfants noir.e.s.

Ne plus avoir à dire pourquoi j’utilise mon corps comme je le fais est libérateur, parce que mes paires caribéen.n.e.s savent que notre corps est notre instrument/ notre langage/ notre véhicule.

Au sujet de la représentation du corps de la femme caribéenne et du supposé "érotisme à la caribéenne", il est souvent projeté aux femmes caribéennes leur supposée frivolité, légèreté et vulgarité (héritage colonial et stéréotype de la Jezebel.

Rappel historique : les femmes noires des plantations étaient violées par leurs propriétaires et étaient délaissées par leurs partenaires noirs, ceux-ci ne pouvant prouver leur paternité.

Mais aussi parce que les hommes étaient déplacés vers d'autres plantations et laissaient donc derrière eux des femmes et des enfants.

Egalement, pendant longtemps les unions entre femmes et hommes noir.e.s sont restées interdites, ce qui a eu pour conséquence sociale la difficulté de bâtir un foyer, même encore aujourd'hui (même si, je le rappelle bâtir un foyer ne devrait pas être une obligation dans la construction sociale d'une personne).

Là encore, je vous invite à lire un auteur guadeloupéen psychologue et contemporain, Errol Nuissier, qui parle de l'impact de l'héritage colonial sur la construction des populations caribéennes et l'imagerie sexuelle et la violence qui caractérisent ces populations.

De ce fait et cela a été longtemps implicite, j'ai eu longtemps dans l’idée que ma sexualité n'a existé, n'a été valable et a été valorisée que par le regard que les autres ont pu poser dessus, sur mon activité sexuelle partagée et les pratiques sexuelles que je pratique ou pas.

Les relations sentimentales et sexuelles sont un des viviers de plusieurs perpétuations de discriminations, préjugés et stéréotypes raciaux, de tabous, de violences qui s'invitent donc dans nos relations intimes et mêmes au sein de relation entre femmes et personnes queer où le patriarcat en influence certains dynamismes (mais ce n'est pas ici le sujet).

Egalement, sans jamais qu'elle ne soit très loin, cette idée insidieuse de performance, de productivité, de respectabilité et de légitimité.

Il m'a fallu beaucoup de temps pour considérer que ma sexualité commence par celle que j'entretiens avec moi-même, l’énergie personnelle que j'y investis, la pratique de mon plaisir et les moyens que je mets en place pour le revendiquer.

Il m'a fallu aussi beaucoup de temps pour me positionner et aborder ce sujet sans avoir peur d'occuper une place ne m'appartenant pas.

Dans une société uniformisée qui prône les mêmes standards pour tout.e.s ET violente, s'autonomiser même dans la pratique de la sexualité peut s'avérer difficile mais tout en étant tellement nécessaire et salutaire, car ...

La sexualité reste un espace :

  • où il existe de nombreux tabous,

  • où de nombreuses Violences sont commises,

  • où l'éducation de tout.e.s reste encore, en 2020, insuffisante.

Notre corps à tout.e.s (et je dis bien à tou.t.e.s, en ce compris les personnes qui sont exclues de la sexualité comme les personnes en situation de handicap à qui la société refuse toute vie sexuelle) dispose des ressources pour s'autonomiser dans notre expérience sexuelle ET il est possible d'apprendre à utiliser notre corps.

Voici comment, je suis parvenue à trouver un épanouissement personnel dans la sexualité.

Me connaître, me débarrasser des stéréotypes et ne plus subir des violences, même au sein de mon intime, est un GOAL pour moi..

S'initier à l'hygiène émotionnelle et l'introduire dans ma routine self-care :

On parle d’hygiène émotionnelle lorsqu'on pratique régulièrement des check-in personnel pour rester connecté.e.s à ce que l'on ressent.

Par exemple, quand je suis stressée ou en situation de crise, comme j'ai pu traverser ces derniers mois, il a été difficile de me relaxer, et/ou prendre des décisions claires et justes.

Les études en neurophysique* ont démontré qu’il était possible, avec de la pratique quotidienne, d’agir sur nos comportements en utilisant des pratiques répétitives et intentionnelles (routine).

Quand on pense à la sexualité le stress reste un invité malvenu.

Le stress peut ruiner notre expérience et laisser :

  • des mauvais souvenirs,

  • des blocages,

  • des peurs et/ou des appréhensions dans les cas les moins graves ,

  • des traumatismes dans les cas les plus sérieux et violents.

Plus personnellement, la pratique d'une hygiène émotionnelle m'a permis de mieux identifier les moments où je suis le plus stressée et agitée et quand je prenais des décisions motivées par la peur et/ou l'abandon.

D'agir contre ce stress avec compassion envers moi-même.

Lorsque que je m'en suis sentie capable dans ces moments de stress, je m'autorise du repos et du recul pour :

  • faire des exercices de respiration,

  • noter ce que je ressens,

  • identifier et exprimer mes émotions,

  • m'éloigner des sources de stress,

  • faire intervenir une tierce personne en formulant de l'aide.

Prendre le temps :

C'est vraiment avec le temps que j'ai intégré qu'il était nécessaire de ralentir pendant l’acte sexuel afin de mieux ressentir.

Etre actrice ET active.

En commençant par exemple, par prendre de profondes respirations qui ont pour bénéfice de faire circuler l'oxygène et le sang et également en direction des zones génitales.

Se repositionner dans le moment.

Prendre des pauses et évaluer comment on se sent.

Ralentir les mouvements m'a aidée à me sentir présente et mieux percevoir mon rôle pendant l'acte sexuel (receveur/donneur - top or bottom en anglais qui est souvent connoté négativement dans la communauté gay).

Il est aussi possible d’alterner douceur et douleur et les intégrer à sa pratique sexuelle et être attentif.ve aux sensations que cela procure.

Rester focus sur la quête du plaisir, du partage et si on est pas seul.e (le consentement reste indispensable et tout au long de l'acte sexuel partagé), car l'activité sexuelle doit pouvoir rester un moment appréciable et apprécié.

Il est utile de rappeler qu'il n'y aucune obligation à être sexuellement actif.ve !

Ralentir et prendre son temps dans la sexualité permet aussi de pouvoir :

  • avoir l'espace d'introduire de nouvelles pratiques,

  • se libérer de toutes idées négatives liées à la sexualité (c'est sale, c'est mal etc ...),

  • se débarrasser de la honte héritée de règles sociales, culturelles, religieuses ou parentales,

  • s'épanouir dans la pratique de la sexualité.

Quand on ralentit, le toucher, la mémoire et les respirations intentionnelles rythment l’acte et permettent le lâcher prise et le mindfulness (ici et maintenant).

Devenir experte et le savoir dans la sexualité :

Le manque d’éducation en matière de sexualité ET de santé sexuelle implique que beaucoup d’entre nous ne sommes pas informé.e.s de nos réelles capacités, ce qui définit notre consentement déjà à l'acte sexuel mais aussi notre consentement à s'engager dans certaines pratiques sexuelles et donc par extension, ce que nos corps et notre volonté peuvent nous permettre et ce dont on a envie.

  • En apprenant notre anatomie : savoir comment nous sommes constitué.e.s,

  • En apprenant les mécanismes de l’excitation ses effets et ses bienfaits,

  • En apprenant les limites physiques de notre corps cela permet dans la sexualité

=> la construction de la confiance permet un accès plus accru vers le plaisir et la compréhension nos désirs et envies sexuels.

Comme je l'évoquais plus haut, l'apprentissage de la respiration développe la capacité à ressentir des sensations internes, plutôt que celles plus évidentes et qui sont à l’extérieur de notre corps.

Par la respiration, on apprend à réagir différemment aux stimuli.

On s'attarde sur ce qui se passe intérieurement en nous et les sens que cela actionne (ouïe, odorat, toucher, goût, vue).

Pendant l'acte sexuel on peut aussi s'interroger sur comment on se sent sur l'instant (j'aime, je n'aime pas, ça me fait mal, ça me fait du bien etc).

Se reconnecter à ses désirs et être attentif.ve à ce que l'on ressent :

La plupart des informations que l'on ressent vont de notre corps à notre cerveau et plus nous évoluons plus nous pensons l’inverse, c'est à dire qu'on pense plus qu'on ne ressent les choses.

La pertinence du lâcher prise réside à se reconnecter à soi, à mettre sa pensée sur pause et être présent.e pour le moment que nous sommes en train de vivre.

Comme je le dis souvent, le lâcher prise c’est le « ici et maintenant ».

Plusieurs recherches ont démontré que nos différents modes de fonctionnements impactent nos fonctions cognitives et émotionnelles.

Par exemple, pendant des épisodes de stress et/ou quand je ressens des émotions négatives, mon rythme cardiaque s’emballe et devient « hors de notre contrôle » et ces signaux envoient ces informations à mon cerveau.

En régulant consciemment mon rythme cardiaque, je parviens à m’apaiser, à me relaxer et me reconnecter à moi.

En pratiquant la mindfulness (ici et maintenant), je fais reposer mon savoir entre les mains de mon cœur en écoutant ce qu’il a à me dire et ce dont il a besoin sur le moment !

Prendre en charge son propre plaisir :

Notre plaisir est NOTRE responsabilité individuelle, c’est NOTRE portail pour satisfaire NOS propres envies et besoins.

Prendre cette responsabilité c'est abandonner toute idée de performance dans la sexualité et cesser de responsabiliser les autres dans l'échec d'atteindre un "GOAL" de vie sexuelle et objectifier l'autre dans sa quête de satisfaction.

Que l'on soit une femme, un homme, une personne non-binaire, ou une personne trans, ou une personne intersexe, il est possible d'apprendre à s'autonomiser dans le plaisir et dans la sexualité, si cela reste sa volonté et si on dispose de tout l'espace et les moyens de le faire (hormones, transition ou non, relations saines et équilibrées avec son/ses partenaires, ressources, encadrement médical, santé mentale, équilibre, prévention, éducation et bien-être).

Une des premières propositions souvent suggérée pour s'autonomiser dans la sexualité sont les exercices du plancher pelvien (pelvic floor) qui peuvent :

  • aider à réguler le plaisir,

  • savoir d’où il vient et où il se localise dans notre corps,

  • conscientiser cette partie de notre corps,

  • prendre soin de cette partie de notre corps,

  • la santé sexuelle fait partie de notre santé et bien-être.

Rappel anatomique :

Le périnée est un ensemble de muscles qui recouvre la paroi inférieure du pelvis (petit bassin).

Il regroupe l'extrémité inférieure des voies digestive, urinaire et génitale.

Chez la personne avec vagin, le périnée comprend l'orifice du vagin jusqu'au clitoris.

Chez personne avec pénis, le périnée se situe entre l'anus et les parties génitales.

Les exercices du plancher pelvien ou encore appelés les exercices de Kegel ont pour but d'améliorer et contribuer à une érection et allonger la durée du rapport pour les personnes avec pénis, toujours si la volonté d'allonger ses rapports est un souhait.

Pour les personnes avec vagin, ces exercices sont utiles pendant la grossesse, après l'accouchement car ils renforcent le périnée qui soutient tous les organes abdominaux : vessie, utérus, intestin grêle et rectum.

Ces exercices préviennent les descentes d'organes (prolapsus).

Avoir un périnée en bonne santé contribue à une pratique de la sexualité apaisée et épanouie.

Ces exercices bien qu'ils aient une utilité physiologique donnent la possibilité de travailler à son autonomie sexuelle.

Etre cohérent.e avec son plaisir sexuel nous aide à conscientiser nos désirs émotionnels, mais aussi évaluer notre état physique (je suis en forme, je suis fatigué.e, j'ai envie, je ne veux pas ...).

Cette même autonomie qui a des bénéfices sur notre bien-être en faisant circuler le plaisir sexuel à l’ensemble de notre corps.

En comprenant et en étant en charge de notre propre plaisir, nous nous donnons la possibilité de faire des meilleurs choix sexuels (pratiques choisies, partenaires, fréquences, intensité etc)…

Identifier la tension sexuelle et quel rôle elle joue dans la sexualité :

La tension sexuelle peut être frustrante quand on la ressent, jusqu’à ce que l’on apprenne à l’apprécier.

Maîtriser sa tension permet :

  • se donner l'opportunité d'un plaisir plus durable,

  • faire des choix sexuels et de partenaires en corrélation avec ses envies et souhaits,

  • prévenir les situations où on s'exposerait à des risques (protection, IST/MST, violences).

Une fois que j'ai découvert que le plaisir réside en moi, j'ai pu apprendre que je n'avais pas à dépendre des autres pour obtenir de la satisfaction sexuelle que je pouvais être en charge moi-même.

Cela permet d'abord de s'engager de manière plus volontaire dans une activité sexuelle avec une autre personne et plus maître.sse de ses choix.

Se masturber (là encore la masturbation n'est pas une obligation) peut :

  • faire prendre conscience de la différence qui existe entre recevoir et donner,

  • identifier les zones qui nous donnent le plus de sensations,

  • s'initier et découvrir l'usage des sex-toys (jouets sexuels),

  • définir nos préférences.

Pour aller plus en avant dans la recherche du plaisir et en retarder sa libération, la pratique de l’edging, quand on commence à bien se connaître, consiste à retarder l’arrivée de l’orgasme pendant l'acte sexuel et le libérer quand on le décide.

Etre connecté.e à ses désirs :

Identifier ses désirs est important pour approfondir notre expérience de la vie et notre plaisir sexuel.

Quand on explore ses désirs avec curiosité, on découvre des aspects de sa personnalité et de ses envies qui permet d’accepter nos « kinks* », nos envies, nos préférences, nos "non".

Les préférences et les kinks sont intrinsèquement liés à nos plaisirs et nous devons pour cela les accepter pour espérer accéder à plus de plaisir et d’avoir une vie sexuelle satisfaisante et moins empreinte de honte et de freins.

Pour cela, je pense qu'il est important et nécessaire de se réapproprier les définitions attachées à la sexualité qui sont le plus souvent péjoratives dans ce monde patriarcal où encore la sexualité active des femmes (surtout en dehors de relations officielles) est jugée.

Se réapproprier sa sexualité, c'est devenir plus expressif.ve en utilisant sa voix, en disant ce qu'on aime ou pas, en exprimant ce que l'on aimerait faire ou pas, en ayant la possibilité d'exercer son consentement même quand on a consenti au début, à se lancer dans une pratique et que l'on ne veuille plus.

Se réapproprier sa sexualité c'est en devenir le.la principal.e acteur.trice, s'observer, se connaitre, découvrir, s'expérimenter.

Se demander la permission et la demander aux autres :

La permission est un aspect fondamental de la construction de la confiance en soi et dans les autres dans la pratique sexuelle.

Quand nos envies et désirs sont exprimés comme des invitations et permissions dénués d'obligation de dire "oui", cela permet que le consentement soit respecté et pris en compte !

Demander la permission à son corps c'est aussi prendre le temps d'évaluer si on se sent "OK" à s'engager dans une activité sexuelle qui va nous demander de nous investir physiquement et mentalement.

En se demandant d'abord la permission cela permet d'avoir un authentique "oui" et un "non" non teinté de regret et de honte de peur de froisser l'autre.s.

Cette permission que l'on s'applique à soi, nous permet aussi de la diriger vers les autres (je peux ? tu veux ? es-tu ok pour ? ça va ? on continue ? on arrête ? tu aimes ? etc ...).

La sexualité doit être un espace safe où le corps et les désirs de chacun.e sont respectés sans délai/ sans compromission.

*neurophysique est une science qui étudie le système nerveux.

*kink sexualité "hors norme" et en dehors des codes conventionnels sexuels dit "vanilla sex"

*Errol Nuissier

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