Sororité - Sisterhood !

Ces derniers mois, j'ai beaucoup lu et vu parler de sororité.

La sororité est pour moi un rassemblement d’idéaux féminins et féministes.

J'ai fait le constat que la sororité peut être confondue avec l'amitié.

L’amitié qui est plus du domaine sentimental tandis que la sororité puise ses sources dans les similitudes que partagent les Femmes entre elles due à leur condition féminine.

De ces similitudes et de ces points communs une solidarité et une unité féminine se créent entre Femmes.

J'ai aussi été témoin de propos de Femmes qui en invalident d'autres parce qu'elles ne partageraient pas les mêmes opinions, ne mèneraient pas la même vie, ou cultiveraient un esprit de concurrence.

Ces comportements ont tout à voir avec de la rivalité, de la jalousie, de l'envie et parfois de la vengeance entre Femmes, sans qu'il y ait de raisons apparentes à part celles motivées par des sentiments personnels et émotionnels.

Ce n'est pas cela la sororité ou tout du moins l’idée que je m’en fais.

La sororité >> c'est l'entraide entre Femmes, l'écoute, le soutien, l'accueil afin que les Femmes puissent s'organiser pour trouver des solutions et obtenir des droits pour faciliter leurs conditions de vie dans des sociétés où être une Femme est encore synonyme de subir des inégalités d’ordre économiques et sociales, des violences physiques et/ou sexuelles, être isolée, être victime de sexisme et/ou de racisme et de transphobie et d'homophobie.

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Les mouvements #metoo et #balancetonporc d'octobre 2017 (dont on fête le premier anniversaire) ont été une des récentes occasions pour les Femmes de s'allier contre notamment les violences sexuelles et masculines ces derniers mois.

On a alors vu le terme sororité être affiché partout.

Ce terme "sororité" est pourtant largement utilisé dans certains cercles avec les mots comme "sista" ou "soeur".

Par ailleurs, il apparaît que les Femmes courageuses et ingénieuses se sont toujours organisées en communautés, organismes ou groupes afin d'acquérir et revendiquer des droits dans les sociétés patriarcales (droit de vote, liberté sexuelle, droits reproductifs...).

Ces mouvements d'octobre 2017 et cet élan sorore ont donné l’opportunité aux Femmes de s'exprimer largement sur les violences qu'elles subissent et de pouvoir en parler toutes réunies sans distinction derrière ces hastags et l'on peut dire que depuis la parole s'est libérée.

Les témoignages se sont multipliés du fait que les Femmes se sont aperçues qu'elles étaient bien plus nombreuses à vivre les mêmes situations au quotidien quelque soit où elles se trouvent dans le monde.

Ces événements ont malheureusement aussi permis de mettre en évidence que toutes les Femmes ne se retrouvent pas derrière l’idéologie féministe.

Certaines se sont exprimées sur leur réticence à l'encontre de ces mouvements et ont estimé que dénoncer les comportements sexistes et parfois violents des hommes était une manière d'atteindre leur liberté individuelle (celle des hommes) et accentuerait le gap déjà existant entre hommes et Femmes.

En France, cette réticence s’est manifestée par la rédaction par des Femmes d’une tribune publiée dans le journal le Monde intitulée : "La liberté d’importuner".

Dans ces cas précis, est-ce-que nous pouvons parler de sororité quand des Femmes nient les souffrances d'autres ou minimisent des agressions (physiques ou sexuelles) en allant jusqu’à signer des tribunes dans les journaux ???

Pour aller plus loin dans la notion de sororité et la manière dont elle est appliquée, le mouvement #metoo propulsé par le scandale #Weinstein a été médiatisé par deux actrices américaines Rose McGowan et Alyssa Milano.

Elles ont popularisé le hastag #METOO et ont donné des discours et des interviews sur les violences sexuelles.

Très rapidement, il a été mis en évidence que ces deux Femmes se sont accaparées le travail d'une autre et ont effacé de leurs récits QUI était vraiment à l'origine de cette expression.

En effet, c'est dès 2007 que Tarana BURKE activiste féministe noire américaine qui milite contre les violences sexuelles et plus particulièrement celles exercées à l'encontre des Femmes noires et racisées invente et crée ME TOO pour dénoncer le fait que les Femmes non blanches sont invisibilisées en tant que victimes de violences sexuelles car elles ne sont pas ou peu prises en charge par la justice du fait de l'hypersexualisation, des clichés et du racisme qui larve la société américaine.

A nouveau, pouvons-nous parler de sororité quand d'autres Femmes en invisibilisent d'autres ???

De nombreuses Femmes ne sont jamais évoquées telles que les Femmes pauvres, âgées, grosses, lesbiennes, trans, handicapées et c’est incessamment l’image de la Femme valide (souvent blanche) qui est diffusée.

C'est pourquoi en France, des Femmes se sentant exclues (et à raison des débats) ont créé la Coordination des Femmes noires en 1976 à l'initiative d'Awa THIAM (auteure de la Parole aux Négresses), qui réunissait des Femmes noires originaires d'Afrique et des Antilles.

Elles étaient, pour la plupart, immigrées et se sont organisées contre l'impérialisme et le néocolonialisme exercés par la France et se sont emparées de questions qui concernaient la vie personnelle et intime et plus spécifique aux Femmes noires comme : l'exil, l'immigration, l'excision, la polygamie, les unions forcées et le racisme dans un esprit de sororité.

La sororité "est un terme qui a été popularisé à compter des années 1970 par les mouvements féministes avec pour ambition de devenir l'équivalent féminin de la fraternité.

Il apparaît que mot "soror" est originaire du latin (traduction simple : sœur - cousine), ce qui m'amène à dire que la sororité et la solidarité féminine existaient bien évidemment avant l'émergence des premiers courants féministes."

Sororité >> le lien qui unit tous les individus dits Femmes en ce qu'elles vivent des situations similaires en raison de leur condition féminine (sexisme, racisme, inégalités économiques et sociales, culture du viol, violences masculines ...).

La sororité a une portée politique afin de promouvoir le rassemblement des Femmes entre elles pour constituer une "entité".

Depuis sa popularisation, l'utilisation du mot sororité ne fait pas l'unanimité même auprès des féministes et son utilisation peut-être discutée.

En effet, pour certaines féministes le fait de concéder qu'il existe une sororité et qu'il soit nécessaire qu'il existe une solidarité féminine, c'est accepter que la société fasse subir aux Femmes des oppressions et discriminations liées à leur condition ... ce serait également accepter le principe que les Femmes ne seraient donc pas égales aux hommes, que les Femmes elles-mêmes reconnaissent vivre dans des sociétés inégalitaires et donc valider la théorie du "sexe fort et du sexe faible".

Pour d'autres, il est essentiel que les Femmes puissent s'organiser politiquement et être sorores les unes envers les autres pour dénoncer les inégalités dont elles sont l'objet, de proposer des avancées dans les domaines de la santé, de permettre que les Femmes aient accès à des droits par exemple en matière de droits sexuels, de santé, de droits familiaux ou économiques dans l'optique d'accéder à des conditions de vies similaires à celles des hommes.

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bell hooks (intellectuelle, féministe, militante noire américaine) dit dans "Sororité : la solidarité politique entre les femmes" que le sexisme est exercé en trois dimensions :

- par les structures institutionnelles et sociales;

- par les hommes qui dominent, exploitent et oppriment;

- par les Femmes elles-mêmes qui ayant intégré et adopté le sexisme en deviennent les complices.

Or, pour espérer réduire les rivalités et les rapports conflictuels entre les Femmes et prouver que la solidarité et la sororité peuvent exister, il faut arriver à démontrer que les barrières entre Femmes peuvent être éliminées et non pas lieu d'exister.

Il a aussi pu être observé que des groupes de Femmes appartenant au même milieu se soutiennent et renforcent "leur solidarité" qu'entre elles et il arrive qu'elles excluent, dévalorisent et oppriment toutes les autres Femmes étrangères à leur cercle !

bell hooks dénonce le fait que la sororité s'est construite sur le modèle blantriarcal (blanc + patriarcal) et a participé à l'invisibilisation de Femmes notamment en n'évoquant jamais la classe, la race, l'orientation sexuelle (etc) de certaines.

Que du fait de leur invisibilisation, une sororité qui unirait TOUTES les Femmes n'a pu se créer et des Femmes exclues de cette "sororité de façade" ont été contraintes de s'organiser entre elles pour rendre visible les oppressions et discriminations qu'elles vivent car oubliées de ce qu'on appelle le white feminism, féminisme blanc ou encore féminisme mainstream.

bell hooks : "Le racisme est une autre limite à la solidarité entre femmes. L'idéologie de la sororité telle que l'ont formulée les militantes féministes contemporaines n'a jamais admis que la discrimination raciste, l'exploitation et l'oppression des femmes issues des minorités ethniques par les femmes blanches empêchent ces deux groupes de se rassembler autour d'intérêts politiques communs".

J'irai même plus loin en y ajoutant les enjeux des autres luttes telles que la lesbophobie, la grossophobie, la psychophobie, le validisme et la transphobie ...

Il existe des limites à la sororité :

- certaines Femmes ne se reconnaissant pas dans certaines situations participent consciemment ou non à l'invisibilisation et la dévalorisation d'autres Femmes comme celles qui subissent >> le racisme, l'homophobie, les violences conjugales, en France le débat sur "le port du voile" en est un exemple, des féministes s'opposent à ce que des Femmes portent le hijab...;

- certaines Femmes pensent que la sororité ne peut pas être pratiquée hors cercle amical, familial, croyances communes, milieux sociaux et deviennent alors excluantes;

- certaines Femmes estiment que la sororité n'est pas un moyen d'émancipation et de réalisation;

- le sexisme ancré dans le mode de fonctionnement social des Femmes leur empêche d'être solidaires et sorores entre elles >> ce sexisme exercé par des Femmes à l'égard d'autres est constaté en milieu professionnel par exemple.

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La sororité me semblait acquise quand j'ai décidé de militer publiquement de mes convictions féministes et afroféministes.

Je pensais que cela allait être facile de parler de féminisme et de partager mes convictions qui m'animent, d'échanger avec d'autres Femmes, de parler de nos expériences respectives, et enfin de s'organiser pour faire avancer la cause féminine et féministe.

En pratique, la sororité n'est ni systématique, ni acquise pour toutes et je me suis rendue compte que certaines fois se dire sorore a plus à voir avec des sentiments amicaux et des affinités affectives alors qu'elle devrait être accordée sans distinction dans une démarche féministe, féminine et politique.

De même, j'ai eu des débats vifs sur la manière dont je parle des hommes et la "virulence" de mes propos à leur égard.

Ma démarche n'est pas de préserver les hommes les considérant responsables et complices du sexisme omniprésent de nos sociétés en ne laissant pas suffisamment d'espace aux Femmes pour s'exprimer, vivre et exister les voyant dans la nécessité de s'organiser pour obtenir des droits !

Les hommes conscients de leur privilège et de la problématique féministe sont considérés comme alliés >> un.e allié.e est une personne qui soutient, qui laisse l'espace et qui comprend, la limite se situant par le fait qu'iel n'expérimente la situation parce qu’iel ne la vit pas.

ex : un homme ne subit pas le sexisme mais peut en comprendre les mécanismes et comprendre sa situation de privilégié.

Etre SORORE, qu'est-ce que cela signifie pour moi :

Être sorore c'est rejeter le sexisme qui fait croire aux Femmes qu'elles sont des rivales les unes envers les autres et que certaines seraient supérieures aux autres.

J'ai bien compris que l'ennemi de la sororité est la domination masculine et que c'est cette domination qu'il faut éradiquer afin que les femmes puissent se débarrasser de l'aliénation sociale inégalitaire dans laquelle nous évoluons et qui empêche que TOUTES les Femmes de TOUS les horizons puissent s'allier !

Être sorore c'est admettre que nous évoluons dans des sociétés sexistes, racistes, validistes, grossophobes, homophobes, transphobes et de ce fait certaines Femmes ayant intégré les principes inégalitaires dictés par la société l'appliquent à d'autres Femmes.

Être sorore c'est reconnaître la réalité de la société dans laquelle nous vivons et permettre d'alléger le poids qui pèse sur les épaules de chaque Femme.

Être sorore c’est être consciente et considérer que les Femmes ont beaucoup plus de difficultés à s’émanciper et de se libérer des carcans sociétaux, familiaux, conjugaux qui les challengent constamment et qui les empêchent d'être solidaires entre elles.

Être sorore c'est pratiquer l'indulgence.

Être sorore c'est mettre de côté les sentiments qui sont un frein à l'union solidaire entre Femmes.

Être sorore c'est tendre la main aux autres Femmes, les écouter, valider leurs vécus et leurs expériences et travailler ensemble à améliorer les conditions de vie des FEMMES afin de participer à leur émancipation.


sources photographiques :

@carlota_guerrero

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