Comment réinvestir l’érotisme quand on se sent illégitime ?

Audre LORDE lors d’un entretien avec Adrienne RICH disait : “J’essaie de dire qu’on a utilisé si souvent l’érotisme à nos dépens, y compris le mot lui-même, que nous avons appris à nous méfier de ce qui est au plus profond de nous, et c’est ainsi que nous avons appris à nous dresser contre nous-mêmes, contre nos émotions.

Pousser les gens à se dresser contre eux-mêmes, cela n’a pas les mêmes conséquences que les tactiques policières et les techniques de répression. Vous faites en sorte que les personnes intériorisent ces techniques, de façon à ce qu’elles se méfient de tout ce qui provient de leurs richesses intérieures, qu’elles rejettent la partie en elles la plus créative, si bien que vous n’avez même plus besoin de l’écraser. “

L’érotisme c’est l’ensemble des manifestations qui participent à éveiller le désir sexuel mais pas que. Il peut être incarné à travers diverses représentations (photos, dessins, films, poèmes, romans etc), mais aussi le produit de notre propre être et de notre imagination.

L’érotisme c’est une fenêtre sur la curiosité et la spontanéité qui nous habite ET une attention sur nos désirs.

L’érotisme c’est la possibilité de trouver refuge et de cultiver la joie pour soi ET avec les autres.

Je me suis aperçue que pendant mes périodes “down”, je me coupe à toutes manifestations de plaisir.

C’est comme si, en plus de ne pas me sentir bien, je m’infligeais une punition supplémentaire : celle de me soustraire à toutes formes de satisfaction.

Il est certain qu’il arrive que nous traversions des évènements qui peuvent être difficiles, ainsi que des évènements tragiques qui ponctuent parfois nos vies, investir le plaisir, dans ces conditions, devient anachronique.

Lorsque l’on s’interdit de se souvenir que nous avons chacun.e besoin de repos, de plaisir et de compassion, nous oublions toute la beauté de la résilience et de la guérison qui résident en nous et ce même dans les moments les plus compliqués de nos existences.

Ré-investir l’érotisme devient :

  • un contrepoids aux périodes de mélancolie ;

  • un échappatoire à des réalités qui parfois nous dépassent;

  • une ouverture sur soi et nos sens.

Rituels, routines, toucher …

Avez-vous déjà remarqué la manière dont on s’interdit de toucher les autres ? Cela peut être accentué lorsqu’on a grandi dans des foyers où le toucher était inexistant ou blessant voire inapproprié (violences éducatives et/ou sexuelles), ou lorsqu’on a été agressé.e et/ou subi un accident qui nous a laissé des cicatrices et/ou un traumatisme physique.

Quand j’évoque les autres, j’entends nos proches, nos ami.e.s, notre entourage.

Je remarque que l’âge adulte est l’ère où le toucher devient réservé exclusivement à nos relations sentimentales et sexuelles.

Je m’inspire de mon expérience personnelle : je ne me souviens pas de contacts rapprochés avec une personne si je n’entretiens pas avec elle une relation amoureuse ou sentimentale.

Cependant, je me suis rendue compte, que plus je suis proche des autres, plus je ressens la nécessité d’entretenir une proximité physique (il a été prouvé que le cuddling a des vertus réconfortantes et apaisantes).

Cette absence de contacts physiques et de toucher est assez paradoxale à l’âge adulte, car durant la période de l’enfance, le toucher est l’un des sens que l’on développe en priorité.

Le contact avec nos parents ou avec les personnes en charge de nous (soin, alimentation, change etc …) mais aussi avec tout ce qui nous entoure (découverte).

La majorité de nos expériences sensorielles passent par le toucher :

— la façon que l’on a de se masser les tempes quand on ressent de la fatigue ou du stress;

— la masturbation reste un moment de connexion personnelle (il peut s’avérer difficile d’investir la masturbation après un traumatisme, une méconnaissance de ses bienfaits et le tabou autour de l’auto-érotisme) ;

— les soins que l’on se prodigue : douche, bain, se mettre de la crème sur l’ensemble du corps, le visage, le coiffage;

— s’accorder du repos enveloppé.e dans une couverture douillette.

Tous ces exemples, quand on les isole donne l’impression d’évènements anodins, mais sont en réalité des chemins qui incarnent l’introduction à l’érotisme avec soi-même.

Donner une importance à ces moments sensoriels, permet de se créer des routines et/ou des rituels qui, pendant les périodes de tension de stress et d’angoisse, sont des sas de décompression et des répères.

Rituels et routines vers lesquels on revient et on s’attarde quand on ne se sent désorienté.e.s ou quand on a besoin d’exprimer sa vulnérabilité.

Les moments où je suis déprimée, je prends moins soin de moi : je ne me regarde plus, je ne fais plus mes routines bien-être, je ne prends plus plaisir à m’habiller, au contraire je recherche des outfits qui dissimulent mon corps.

Comme nous sommes dans des sociétés de productivité, je suis obligée de performer et de cacher les moments où je déprime.

Au cours de ces périodes, je me ferme également à toute éroticité vis à vis de mon corps : je ne me touche plus, je ne suis pas bienveillante envers moi, je me critique fortement.

A contrario, lorsque je suis mieux : j’ouvre ma sensorialité corporelle.

Je veux me sentir belle et j’utilise, pour cela, tous les moyens à ma disposition.

Cela peut être le port d’un vêtement, un maquillage, une nouvelle coiffure … mais pas seulement.

C’est aussi et surtout le regard bienveillant que je m’accorde, les caresses que je dirige vers moi, je suis plus entreprenante et clairement plus disposée à la séduction.

Par exemple, ces dernières années arrêter de porter des soutiens-gorges a eu un effet libérateur.

D’abord, j’ai arrêter de complexer sur la taille de ma poitrine (que je trouvais petite) et j’ai appris à jouer avec la façon de la dévoiler ou non et ce à travers les vêtements que je porte.

C’est devenu un jeu et même un enjeu qui m’amuse beaucoup et qui me plait.

Cela m’a apporté de la liberté et de la sensualité.

Je porte également plusieurs chaînes de taille (bin bin) et cela eu pour effet de mieux conscientiser cette partie de mon corps (ventre et taille), souligner ma silhouette et augmenter mon capital séduction.

Je me sens bien à les porter et je viens de m’en rajouter deux nouvelles pour compléter mon ornement.

Plus, lorsque j’ouvre ma sensorialité corporelle, je m’ouvre aux autres : je suis joviale, enjouée et communicante.

Je leur envoie le signal suivant : je souhaite qu’iels me voient et que je leur signifie que je les vois !

Une main tendue, une tête reposée sur une épaule ou un baiser sur la joue peuvent remplacer : Je te vois - Je suis heureux.se de partager ce moment avec toi - Je te soutiens - Je suis avec toi !

Préliminaires et érotisme

Je ne l’apprends à personne lorsqu’on traverse des périodes difficiles (deuil, maladie, rupture, burn-out), nous avons des difficultés, ce qui est normal, à voir les choses de manière positive.

Nous éprouvons un sentiment d’illégitimité à nous engager vers des actions réconfortantes qui peuvent paraître déplacées par rapport à ce que l’on vit.

C’est justement à ces moments précis où l’on se trompe et que c’est lorsque notre monde s’écroule, que nous avons besoin de trouver les moyens pour adoucir notre peine, notre chagrin, notre douleur.

Notre vue d’ensemble et la perception que nous avons de notre environnement déterminent la manière dont on aborde certains évènements.

TRY THIS !!!

1.Le repos peut s’avérer être efficace pour affronter les moments challengeants.

Lorsque l’on se repose on accorde à son corps d’être inactif.

2.L’ennui qui sous ses apparences peu flatteuses et non productive est un espace propice pour réfléchir, s’évader et s’envisager dans d’autres postures et d’imaginer la transformation dans le présent.

Nous accordons à notre esprit de rêver et de divaguer.

3.La créativité est où réside l’érotisme. Poussé.e par la curiosité, l’intuition et l’imagination, la créativité nous invite vers l’inconnu. L’érotisme c’est allier l’aventure et le jeu !

4.Essayer quelque chose de nouveau est un moyen de relancer la connexion émotionnelle.

Avoir un nouveau projet / cuisiner et tester de nouvelles recettes / s’occuper de plantes / s’investir dans de nouvelles activités créatives ou sportives / découvrir de nouvelles musiques / voyager ... Cela paraît simple mais ces actions nous ouvrent vers du bien-être que l’on s’autorise.

Constater que l’on est en capacité de se diriger vers des activités qui apportent du bonheur. ‍

Même si les débuts sont difficiles, prendre quelques instants de réflexion sur ce que produisent ces activités sur soi.

L’effet des notes de musique … ce gâteau tout juste sorti du four … cette nouvelle destination etc …

Parfois, le simple fait de se mettre dans l'état d'esprit de stimulation et d'excitation aide à se rafraîchir, à faire des updates ou des modifications. 

Quand on se sentira prêt.e.s à aller plus loin, notre imagination nous attendra déjà dans les starting-blocks.

C’est ainsi qu’il devient intéressant d’introduire les préliminaires dans nos modes de vie.

Une sortie, un repas, une soirée à danser peuvent être une introduction à l’érotisme.

Les préliminaires : c’est la liberté de vivre pleinement ce qui nous fait du bien, pour unique objectif le pur plaisir, un échauffement rapide et une énergie érotique.

Il est temps de considérer les préliminaires comme ce qui peut déclencher une rencontre érotique ou sexuelle, (surtout quand on prend en compte le consentement et que l’on intègre que tout peut s’arrêter à n’importe quel moment).

S’introduire à l’érotisme c’est aussi une lecture, un texto reçu, une photo envoyée, un vêtement, un regard échangé, un film, une ballade, une plaisanterie racontée.

Les préliminaires se sont le “setting” mais aussi l’environnement dans lequel nous vivons, notre rapport personnel à soi.

TOUT cela additionné à la liberté de s’explorer, de créer et tisser de nouveaux liens et de découvrir de nouvelles choses.

Par exemple le flirt : c’est la manière ludique, verbale et corporelle d’exprimer son attirance vers une autre personne.

La taquinerie est une façon introductive de construire une relation avec quelqu’un.e sans avoir à exposer ses sentiments explicitement.

Cela crée une tension, une curiosité pour … arriver à une apogée !

Les préliminaires et l‘érotisme sont l’art de l’anticipation.

C’est la possibilité d’être à la fois présent et dans le futur.

C’est un mélange de planification et de spontanéité.

Comme par exemple, se préparer avec soin pour un rendez-vous, chercher à faire plaisir et à surprendre l’autre… je vous laisse imaginer la suite !

Anticiper se retrouve dans nombreuses de nos actions :

  • préparer ses valises pour les vacances et s’imaginer avec telle ou telle tenue;

  • faire du shopping et se projeter avec un vêtement à une occasion spéciale;

  • cuisiner sa recette fétiche et penser au contentement des ses invité.e.s.

Contrairement aux croyances populaires, les préliminaires ne concernent pas seulement la sexualité, mais de manière générale tout ce qui investit nos souvenirs, nos rêves, nos souhaits … Les préliminaires c’est la destination où nous voulons aller.

Se maintenir dans une atmosphère d’érotisme ne consiste pas à être constamment “ready” à être actif.ve.

C’est plus que cela et c’est un champ énergétique qui vibre avec le côté ludique.

Dans un environnement ludique, la confiance a plus de facilité à se manifester et s’installer.

Lorsque nous traversons des difficultés, des doutes et des questionnements, la compréhension dans laquelle nous voulons être et la volonté de cultiver l’harmonie indique que nous nous trouvons au bon endroit.

Les préliminaires et l’érotisme ne sont pas simplement physique et sexuel MAIS c’est aussi notre état émotionnel, notre forme, notre santé, notre mental.

C’est l’humour, la curiosité… la manière dont on s’investit pour les nourrir, les encourager et les faire grandir.

C’est aussi revenir à l’enfance : jouer, taquiner, construire une complicité.

Sensualité délivrée

La sensualité : c’est l’aptitude à goûter les plaisirs des sens, à être réceptif aux sensations physiques et particulièrement les sensations sexuelles.

En introduction de cet article, j’ai choisi de citer Audre LORDE qui avait fait de la quête du plaisir un objet politique pour les Femmes noires qui en sont si souvent (encore maintenant) effacées.

Il est intéressant pour moi de resituer le contexte et en évoquant la sensualité et le rapport au corps.

Quand on évoque l’érotisme et la sensualité, il y a un point important à clarifier : l’opposé du plaisir n’est pas toujours la douleur, mais la déconnexion (Evyan Whitney).

Par exemple, quand je repense à la dernière fois où j’ai ressenti du plaisir (pas nécessairement sexuel), aux sensations que j’ai ressenti et à l’état dans lequel ce moment m’a transportée. C’est vivant et présent.

Puis, je repense à nouveau à ce moment et si j’avais été déconnectée de mon corps. Je ne ressens pas nécessairement de la douleur… je ressens juste rien…

J’ai surtout compris qu’il est impossible de ressentir du plaisir (ou quelle qu’autre sensation) si je ne suis pas en connexion avec mon corps.

La sensualité est globale … elle est sensorielle … elle est intellectuelle … elle est corporelle.

La somme de toutes ces notions fait que l’on ressent du plaisir et qu’on autorise la sensualité à s’exprimer.

Par la manière de se tenir, dire certains mots, une caresse, un soupir …

Délivrer sa sensualité commence par établir une connexion avec son soi.

Etablir les conditions propices pour qu’elle pop up !

Reconnaître qui ou quoi fait réagir notre corps et nos sens.

Cette pratique d’être avec et faire de la place pour soi font partie de la sensualité.

La sensualité ce n’est pas uniquement les émotions positives qui nous traversent

C’est aussi la nostalgie, le manque, la peine qui sont des liens connectés directement à notre corps et à notre esprit.

Grâce à cela nous définissons les contours, peaufinons les finitions, améliorons les angles.

L’érotisme c’est une énergie durable qui s’approfondit avec le temps.

L’érotisme et la sensualité résident en nous et dévoilent notre puissance.

GO GET IT !

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