L’attente d’elle (nouvelle)

Je rentre de ma journée de travail ennuyée de ce rythme obligatoire, avoir un 9/5 est aliénant … c’est ce que je me dis chaque jour !

J’aimerais pouvoir quitter les contraintes liées aux horaires, à la hiérarchie et au le lien social obligatoire en milieu professionnel. Lorsque je formule ce souhait, je me sais soumise à ces obligations, même s’il me permet de maintenir un niveau de vie décent.

Puis, ce n’est pas la crainte qui m’empêche de prendre le risque de “tout quitter”, mais plutôt ma situation personnelle de parent et le souvenir de la précarité, que j’ai connue pendant quelques mois qui, si je suis honnête, me retient.

Ce souvenir remonte lorsque je venais d’apprendre que j’attendais mon second enfant. Quelques semaines précédant cette nouvelle, j’avais été licenciée du poste que j’occupais depuis deux ans.

La découverte simultanée de mon état de grossesse et de mon licenciement m’ont prise de cours. Je me suis retrouvée rapidement sans activité et dans l’impossibilité de reprendre un emploi parce que le fait d’être enceinte me rendait dans l’incapacité physique de le faire.

Je ne souffrais pas que des nausées, j’étais atteinte d’hyperémèse gravidique, c’est-à-dire : c’est quand l’état de grossesse rend difficile à la personne enceinte de s’alimenter et de s’hydrater, ce qui entraine une perte de poids parfois accompagnée d’une grande anxiété et une dégradation des conditions de vie pendant les premiers mois de grossesse.

Très sincèrement, le fait d’être au chômage n’était pas une difficulté, ce qui a aggravé ma situation, à ce moment-là, est de ne pas avoir perçu mes indemnités immédiatement et ce pendant plusieurs mois. Additionné à mon incapacité de travailler cela a accéléré la dégradation de ma situation financière et contribué à mon isolement. Ainsi, à mesure que les semaines passaient, mon angoisse grandissait de ne pas pouvoir subvenir à mes besoins et que je ne puisse pas rester dans mon logement les mois suivants.

Je me souviens très précisément de la peur, qui me tenait, dès que mon téléphone sonnait. Souvent, il s’agissait de ma propriétaire qui me signalait mon loyer impayé. Elle exigeait que je lui précise la date à laquelle je régulariserai mon retard. Je n’avais, malheureusement, pas de réponse à lui donner.

La panique m’a retournée les tripes quand à l’occasion de son dernier appel, elle m'a annoncée, qu'au-delà de trois mois de retard, elle serait contrainte d'entamer des poursuites et d’envisager une procédure d’expulsion. A cette annonce, mes entrailles pleines me rappellent qu’elles abritent un embryon qui a eu l'ingénieuse idée de se nicher pendant ma déroute professionnelle et financière.

L’angoisse.

Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, ma banque m’écrivait pour me prévenir que j’avais dépassé le découvert autorisé de plus de 60 jours, ce qui entrainerait la fermeture prochaine de mon compte !

La honte.

Et pendant que tout cela m’arrivait, je me cachais… Je ne trouvais pas les mots pour expliquer les raisons pour lesquelles j'étais en difficulté.

Je n’arrêtais pas de penser à mon avenir. Je nourrissais une intime confiance que je ne resterai pas démunie “pour toujours”. Je croyais en ma bonne étoile, après avoir longtemps cru que j’étais née sous de mauvais hospices.

Après tout … N’étais-je pas une femme noire… une personne destinée à combattre toutes les adversités en silence? N’était-ce pas une particularité que je partageais avec d’autres femmes noires ? Celle de souffrir en silence ? De ne pas pouvoir se plaindre ? De survivre ... Tout cela momifiées dans les préjugés dans lesquels la terre entière nous enveloppe.

Dans mon entourage, je compte de nombreux exemples de femmes qui n’ont pas eu le privilège de narrer ce qu’était leur réalité et les difficultés qu’elles rencontraient.

Au sein de ma famille, ma grand-mère a été érigée en sainte des saintes pour tous les sacrifices qu’elle avait réalisés ? Cependant … pour qui mais surtout pourquoi ? Cela fait plus de trente ans qu’elle n’est plus là.

A partir de ces constats, il a été normal que je me taise à mon tour, sans doute, pour rendre grâce à cette lignée de femmes qui avaient souffert avant moi.

Malgré le fait que je désirais cette grossesse plus que tout, je n’arrivais pas à me réjouir de la révolution qui se déroulait dans mon corps. J’étais anesthésiée et ne ressentais aucun plaisir. Cet épisode de ma vie m’a tétanisée. Je l’ai très peu évoqué mais ce dont je suis certaine aujourd’hui, c’est qu’une des conséquences qui me reste est l’anxiété qui m’a accompagnée pendant plusieurs mois, ainsi qu’une relation inconfortable à l’argent.

J’ai développé des habitudes d’achats qui résultent de ma peur de manquer. Pour y pallier, j’accumule des possessions qui deviennent les témoins de ma capacité financière et du pouvoir que je crois que cela me procure. En réalité, je suis très lucide sur le fait que, compte tenu de ma situation personnelle, il me sera, par exemple, impossible d’acquérir un bien en France : j’ai plus de 40 ans, je suis solo, je vis avec des personnes à ma charge. En étant consciente de cela, je me rassure dans l’illusion d’avoir pris ma revanche sur la précarité et de m’être créer des leviers de substitution.

Et c’est donc là que le fait d’avoir un emploi fixe, des rentrées d'argent régulières devient cohérent. Cela participe à ma relative liberté. Et je me pose la question : “Qu’est-ce que la liberté ?” et j’y réponds ainsi : la liberté, si elle existait, impliquerait de vivre dans des sociétés dans lesquelles nous n'aurions pas à utiliser nos corps, notre temps au profit du capitalisme dans le but de subsister.

Je crois avec ferveur que se loger sans contrepartie devrait être un droit garanti pour chaque humain. Pourquoi devrions-nous payer pour avoir un toit au dessus de nos têtes ? Quelle-est la personne qui a décidé que des terres qui étaient autrefois gratuites devaient avoir une valeur et devraient être payées en contrepartie de leur occupation ?

Une société libre, selon moi, serait une société qui permettrait à chaque personne d’avoir un accès égalitaire au travail, à l'éducation, à des transports adaptés, à la santé, à l'information et à la sécurité.

Les mots de Fannie Lou Hamer me reviennent : "Personne n'est libre tant que tout le monde n'est pas libre" !

Ces réflexions me traversent régulièrement l’esprit.  Chaque fois que je rentre, je suis contente de retrouver les murs de chez moi.

A peine passée la porte, je me consacre à mon rituel dont je ne manque aucune étape : je quitte mes chaussures, je me débarrasse de mes vêtements. Une douche la plus chaude possible. Une fois cela fait, je regagne ma chambre. Et là, je m’accorde plusieurs minutes pour me ressourcer, pour me reconnecter à mon intérieur et ainsi évacuer le stress accumulé pendant la journée.

Je quitte le rôle que j'ai endossé pendant plusieurs heures. Le masque que j’ai revêtu tombe et je repousse loin les contrariétés qui ont pu me perturber les dernières heures écoulées.

En faisant cela, je me crée un sas de décompression qui est le corridor de ma nouvelle partie de journée. Je respire, je laisse aller mes pensées, je me vide et cela me fait énormément de bien.

Ce soir-là, je suis restée longtemps assise car l'obscurité s'est installée. A ce moment, je me rends compte de l’attente...

En fait, je l'attends.

Je me souviens qu’elle m’avait dit que nous passerions la soirée ensemble. Et, la simple évocation d’elle fait surgir en moi le désir que j'ai pour elle, son esprit et pour chaque parcelle de son corps.

Au point, où, je l’imagine déjà …

Je me souviens du soir où je l'ai rencontrée et l'ironie du timing, encore, qui la met sur ma route à un des pires moments de ma vie sentimentale.

Ce soir-là, une amie m'avait invitée à un happening, je ne connaissais pas les artistes. Je m’étais dit que ce serait bien de sortir un peu. Nous nous rejoignons. Il y a peu de monde à notre arrivée, ce qui me rassure. Je n’ai pas l'impression d'être aspirée de suite par une salle remplie. Nous prenons le temps de discuter et de nous update sur nos vies respectives.

Le premier artiste arrive, un homme qui se présente rapidement. Il commence une série de slams… on décroche. Nous sommes prises à notre conversation bien plus intéressante. Pendant notre conversation, la salle s'est remplit. Je m'en aperçois à la manière dont la chaleur s'empare de moi. Je jette un coup d’œil à la scène et je réalise que nous avons manqué un certain nombre de performances. Je suis amusée par ce manque d'attention. Je regarde la personne qui a pris place sur scène. Je tends l'oreille et je comprends qu'elle récite ce qui ressemble à des poèmes. Est-ce les siens ? Je ne pourrai pas répondre. Devant mon manque d’intérêt, je me décide à aller au bar.

Au comptoir, je commande et patiente. De là, surgit de la foule une jeune femme qui se dirige droit vers moi et m’interpelle sans hésitation aucune, comme si nous nous connaissions : Je t'offre à boire ? Je la regarde, prise de cours, je réponds :

“J'ai déjà commandé, merci !

Elle réplique (pas découragée) : je t'offre le prochain alors ?

Oui... c'est ça le prochain.

Mes verres arrivent, je les saisis et retourne dans l'obscurité de la salle, je tends son verre à mon amie. Je reprends le fil des représentations qui se sont assez inégales. Deux heures passent, je fatigue à rester debout. Je veux rentrer et j’en informe mon amie. Quand nous nous dirigeons vers le vestiaire, je LA recroise. Et elle réitère son invitation :

”Alors ce verre ? “

Mon amie me regarde en coin se disant sûrement qu'elle avait raté quelque chose.

“Ce sera pour une prochaine fois, on s'en va”.

Ah ! et comment je fais pour t'inviter cette prochaine fois ? Tu as un numéro ?”

Son aplomb me déstabilise. Evidemment que j'ai un numéro, mais je ne lui donnerai pas.

“Je te file mon Insta… donnes-moi ton téléphone je vais l'ajouter.

Pendant ce cours échange, je m'aventure à lui jeter un regard. Je ne vois pas grand-chose, d’abord en raison de l'obscurité et parce qu'elle porte une casquette qui dissimule le haut de son visage, d’où je peine à voir son regard. Malgré le manque de lumière, je remarque son sourire éclatant qui se dessine quand je lui redonne son portable et quand elle aperçoit sur l’écran mon profil ...

“A bientôt“ !

Retour au présent !

Je suis tirée de mes pensées par un bruit de porte, je tends l'oreille… c’est la voisine d’en face. Je soupire !

Je m'installe plus confortablement au fond de mon canapé. Je me sentais déjà partir à de lubriques pensées ! Je ne comprends pas, pourquoi je devrais supporter cette attente ? J'allume la TV, je fais défiler les programmes, jusqu'à ce que je retrouve le titre que cherchais.

Je me mets à penser qu’elle aime me faire patienter, me tourmenter à l’attendre et que derrière se cache sa volonté de me retrouver ardente ! Je ne suis pas concentrée. J’éteins la TV. Je dirige mon attention sur ce que je porte. Je me contemple et me pose la question si elle va apprécier. Je me lève, me poste devant le miroir. Je regarde ma fine robe noire simple et sobre. Aguichante ... Pratique et facile à retirer ... j'ai vraiment pensé diabloquement à tout ... surtout à ce moment où de son seul regard, je me retrouverai à poils !

Du calme ! nous n'y sommes pas encore. Je l’attends ! Mes yeux roulent d'exaspération. Je passe une main dans mes cheveux. Je trépigne. Mon cœur accélère sa partition. Il bat fort comme dans les moments où je suis prise d’excitation !

Je veux être tout près d’elle ! Sentir chaque partie de son corps. L’entendre respirer à mon oreille et qu'elle soupire à son tour combien elle me veut, elle me désire, combien elle a rêvé de me voir glisser dans ses bras. Et pendant qu'elle dirait tout cela, je me mettrai à compter chaque battement de son cœur depuis sa poitrine et rien ne me ferait plus plaisir que de voir son pouls s'accélérer !

Mais que fait-elle ? Ne sait-elle pas que je l’attends !

Je prends mon téléphone ... “Pas de nouveau message” ! Avec exaspération, je l’envoie dans un coin, plus rien d'autre ne m'intéresse que sa prochaine venue. Quelque chose l’a retenue en chemin ! C’est sûr … Elle ne s’amuserait pas à me torturer car elle me connaît. Elle me sait capricieuse et que je ne sais pas attendre. Peut-être qu'elle aime ça... c’est cela doit faire partie de son plan ! Forcément !

Je suis rentrée directement chez moi après cette soirée avec mon amie. Je ne me suis pas préoccupée de mon téléphone. Le lendemain matin, c’est pourtant la première chose que je fais, checker mes nouvelles notifications. Je vois la request de son profil Instagram. Je l’accepte. J’en profite pour parcourir son profil. Il y a peu de photos. Je suis un peu déçue, je ne peux me faire une idée de la personne qui est derrière ce profil. J’arrive juste à déterminer que nous devons être dans la même tranche d’âge. Fait qui me rassure, je retrouve son sourire sur plusieurs clichés. Il crève l’écran, il l’habille littéralement et à chaque fois que je le vois… il va directement à mon cœur.

Je regarde mes DM (direct messages). Elle ne m’a pas écrit entre-temps… Et pendant que je continue de parcourir son compte, je reçois son premier message.

Coucou, on s’est croisées hier soir, tu es bien rentrée ?

S’en suit une conversation à bâtons rompus sur nos jobs respectifs, nos occupations, nos centres d’intérêts, nos vies.

Un dialogue fluide se noue entre nous sans faire d’efforts. Je la trouve agréable. Intéressante Communicante.

Nos échanges sont souvent interrompus par nos activités, ce qui n’est pas dérangeant, car ils reprennent à chaque fois là où nous nous sommes arrêtées et se poursuivent au fil de nos journées.

Nous ne pouvons éviter ce moment et l’épineuse question …

Que cherches-tu ? Que veux- tu ? Qu’attends-tu ? En fait cela en fait trois !

Moi ??? Je me sens rougir.

Je ne veux pas me défiler, même si je ne sais pas bien quoi répondre. Pour lui donner une réponse qui ne l’effraie pas trop et qui me laisse à moi une marche de manœuvre je réponds que je ne cherche rien précisément. Que je suis très contente de pouvoir connecter avec elle. A cette période, ma situation sentimentale est encore tendue. Ma précédente histoire occupe pas mal de mon temps et a fragilisé ma santé émotionnelle. Sans pouvoir lui dire tout cela, je lui confie que je ne peux pas envisager une relation plus étroite… qu’elle soit occasionnelle et sexuelle ou envisager une relation.

Je lui propose, en espérant qu’elle soit partante, que nous ne changions rien et que si nous devions qualifier notre relation elle ne pouvait qu’être amicale.

Nous nous mettons d’accord tacitement. Je crois qu’à cet instant je suis contente. Je crois avoir réussi à poser mes limites qui ont été acceptées par une personne bienveillante avec qui je tiens à créer du lien.

En même temps, je ne peux m’empêcher de penser que j’ai peut-être fait une erreur guidée par ma peur et que j’ai sûrement hypothéqué la possibilité d’une histoire amoureuse.

Mais, je reste terrifiée par la simple éventualité d’être plus proche d’une femme. Même si elle me plaît, comme c’est le cas pour elle, et ce énormément !

Plus nous parlons… plus je me sens me rapprocher d’elle et plus mon besoin de m’en protéger s’accroit.

Et sans vraiment le réaliser l’attente entre nous est déjà-là, c’est l’ADN de notre relation.

S’attendre !

Me voici de retour sur mon canapé … Et je divague de nouveau ! Je m’imagine docile sous les coups de ses caresses. A la merci de ses baisers. Prisonnière de ses mains. J’aime être tout à elle. Me donner. M’abandonner à l'ardeur de nos ébats. Fermer les yeux et savourer chaque instant. Viens ! Viens ! S’il te plaît viens, je t’attends ! Il se passe un moment, j’ouvre avec peine les yeux, j'ai l'impression qu'on me tire, qu'on m'attire vers la réalité que je ne me suis pas aperçue avoir quittée. Je réalise, que lasse d’attendre, je me suis endormie et que je me réveille sous ses baisers.

ELLE est là !

Le rêve … le réel quand ces deux mondes se sont-ils rejoints sans que je m'en aperçoive ? Elle est vraiment là ? Vraiment ?

Je suis sûre que c'est mon esprit qui me joue des tours … encore … Je me redresse … elle se recule… ma vue se précise et c’est bien elle qui se tient souriante (ses pleines dents) devant moi !

- ENFIN ! Je ne t'attendais plus !

Je fais la moue et la boude !

- Tu m’as fait attendre !

Quoi ?

Elle ne semble ne pas comprendre et continue :

- Je t’ai écrit il y a 30 mn pour te dire que j’arrive …

- 30 minutes non… je jurerai que c’était plus … tu me dis toujours que tu arrives et cela dure toujours.

Mon corps se met alors en mouvement pour m'extirper du canapé dans lequel j'avais succombé. Je ne cache plus mon agacement.

- Tu ne peux pas attendre 30 malheureuses minutes ?

- Non… je ne peux pas surtout quand je brûle…et lui jette un regard assassin.

- Qu’est-ce que tu crois … je me suis occupée en attendant !

- Ah bon ? Et à quoi … ce n'est pas l'impression que j’ai… c’est sur le canapé que je t’ai trouvée et … endormie. Mais, je te l'accorde le repos est une occupation !

- Je faisais semblant, et puis j’ai eu une dure journée. Je m'impatientais de retrouver le réconfort de tes bras pour m’apaiser …

- J’ai ce pouvoir ??? dit-elle de son regard mi- amusé, mi- moqueur qui se met à parcourir avec appétit ce qui m'habille.

Je résiste un tout petit peu encore. Qu’est-ce que je pouvais bien faire d’autre. Dans ma tête, je m’attendais à ce qu’elle m’arrache mon si léger vêtement et que l’on glisse à l’horizontale.

Je boude encore et lâche :

- Pourquoi ??? tu n'as pas de pouvoir ?”

Sans lui laisser le temps de répondre, j'attrape sa bouche qu’elle me concède sans résistance. Commence alors une succession de baisers. Certains appuyés et d’autres langoureux et lents. Nous nous mettons à partager la chaleur de nos bouches qui fait monter un peu plus la température de notre désir l’une pour l’autre. Mes yeux sont fermés, mais j’assiste au spectacle avec tous les sens aiguisés. Je suis entreprenante ! Je veux qu’elle sente l’effet que l’attente a eu sur moi. Je l’attire encore plus vers moi jusqu’à ce qu’aucun espace ne nous sépare. Je reprends mon souffle, me recule, l’examine et décide de la libérer de ses vêtements. Il n’y aucune raison pour que je sois la seule à être si peu vêtue !

De mes mains précises, je fais glisser sa veste et commence à défaire les boutons de sa chemise. Son cou se dégage, j’y approche ma bouche et y dépose un baiser … il est humide. Elle émet ce qui ressemble un gémissement. Je poursuis mon exploration. Les deux prochains boutons font découvrir sa poitrine. Elle est engagée, ferme et avenante et me donne l'impression qu'elle demande que je la saisisse. Effectivement, je ne peux me retenir de poser une main sur un de ses seins. Il est tendu et répond à ma caresse, en réponse le téton se durcit à mesure de mon exploration.

Je l’interprète comme étant le signal que je peux y aller plus avant. Pour m’en assurer, je lui jette un regard et lui demande :

- Je peux ?

Elle répond “oui” dans un soupir.

C'est donc avec sa permission que je lui attrape le sein de ma bouche. Je passe ma langue tout autour de son auréole brune. Je m’attarde délicatement avec mes dents et la mordille, je n'oublie aucun centimètre de son organe. Soucieuse, je vérifie qu’elle prend du plaisir pour m’encourager à poursuivre. De mon autre main, je lui caresse l’autre sein. Je joue avec sa poitrine, ma main et ma bouche toutes deux occupées à lui procurer des sensations. Je me régale. Ma mission est de faire monter le plaisir à travers son corps entier, je l'embrasse, la caresse. Je finis par lui retirer entièrement sa chemise qui finit au sol. Nous nous faisons face sur le canapé, chacune peut contempler l'autre et se délecter de l'image qui se trouve devant elle.

Je prends cette vue en pleine face. Cette vision me submerge d'émotions. Je réalise avec force le privilège d'être avec une femme que j'aime et avec qui je me sens libre d'explorer ma sexualité, notre sexualité commune. Cela m'avait paru impossible des années auparavant qu'une telle chose puisse m'arriver.

C'est devant elle que je me tiens aujourd'hui et j'ai le sentiment d'avoir attendu longtemps. Elle se trouve pourtant devant moi, cette femme noire tant espérée. Celle dont j'ai désespérément rêvé et dont je croyais que je ne croiserai jamais la route. Je l'ai attendue ... au bout de cette attente, l'aboutissement... et de façon inespérée, plusieurs mois après notre rencontre, elle est devenue mon amoureuse, mon amante, mon amie !

Nous avons continué à nous parler mais sans toutefois se voir depuis notre rencontre.

Ce n’était pas gênant. Cela me permettait de prendre le temps pour moi de la connaître et nouer une relation.

Je la trouvais de plus en plus drôle et touchante. Je commençais à me faire l’aveu qu’elle me plaisait.

Je développais de la tendresse pour elle. Je m’imaginais la prendre dans mes bras et ne plus la lâcher. Je me voyais déposer des baisers sur ses lèvres. Son sourire dont je ne me lassais pas et que j’imaginais à travers l’écran qui nous séparait.

Plusieurs mois sont donc passés et d’un coup, j’ai pensé que c’était le moment ! J’avais besoin de la voir et de vérifier que ce que je ressentais se manifestait aussi dans le réel.

Elle a été d’accord. Le rendez-vous a été facilement fixé à la semaine suivante.

Une nouvelle attente se dessine, une doucereuse attente… j’essaie de ne pas y poser trop d’attentes. Je me pose mille questions cependant : est-ce qu’elle va me reconnaitre ? est-ce qu’elle sera telle que je l’ai vue il y a deux mois ? Qu’est-ce que je vais pouvoir dire ? Je vais sûrement l’ennuyer avec ma vie boring et bien ordonnée …

Enfin arrive le jour de notre rendez-vous. Je stresse à mort. Je suis très intimidée à l’idée de la revoir. Pour m’y préparer, j’arrive en avance. Je m’installe à une table de manière à ce que je la vois quand elle fera son entrée. Mon goût pour la mise en scène de mes moments de vie se manifeste. J’aime scénariser mes rencontres.

Je lève alors les yeux et elle est là.

Nous voici à nouveau dans le présent. Je n'en finis pas de l'admirer et après cette contemplation, je la laisse me saisir. D'une main, elle m'étreint le cou et m'embrasse. Elle s'approche doucement et m'allonge et me chuchote :

- Laisse-toi faire.

Sans trop savoir comment, elle se retrouve au-dessus de moi, son visage me domine et je comprends qu'elle prend le lead. Ses lèvres sont sur ma bouche, je lui rends ses baisers. Ses mains parcourent mon corps et lorsque la barrière de mon mince vêtement devient insupportable, elle l’enlève sans hésitation. Je me retrouve nue ... j'ai envie de crier tellement c'est ce que je voulais. Je ne souhaite plus avoir de secrets pour elle et ne plus à avoir à me dissimuler derrière du tissu. Elle me dévore de son regard qui s'est illuminé.

Ses pupilles sont mobiles et dilatées, c'est le signe qu'elle est excitée. Elle me prend un sein, le mord.

-J'aime tes seins.

Elle et se dirige vers mon ventre arrondi, le couvre de ses attentions. Je lui susurre que cela me fait du bien et que je ne veux pas qu'elle s'arrête. S'en suivent d'interminables caresses qui me transportent et font monter le plaisir dans l'ensemble de mon corps. Je me sens légère, il n'existe que ce moment et je souhaite le vivre à 100%. Pendant qu'elle me caresse, je lui parle, je lui dis comment j'aime être touchée et je l'encourage à contribuer à faire monter mon plaisir. Elle arrive à mon pubis et écarte avec délicatesse mes jambes et fait apparaitre ma vulve.

Je suis déjà bien humide, je le sens et je n'ose lui faire la confession et lui laisse le découvrir par elle-même. Elle continue de me regarder et approche de plus en plus sa tête de mon sexe noir, mouillé s'offrant à sa bouche. Elle y dépose un baiser et se recule.

- Tu es sérieuse ? Qu'est-ce que tu fais !!!

- Je fais une pause, je te sens bien trop excitée !”

Je lui lance un de ces regards celui qui veut dire que je ne suis pas là pour plaisanter. Elle éclate de rire, son rire me gagne et je la rejoins dans un éclat. C’est le moment qu’elle choisit pour retourner à sa tâche et se met à lécher sans hésitation ma vulve. Je sens sa langue qui passe le long de mes petites lèvres et plus elle y va, plus je les sens frémir et plus je sens l'humidité inonder mon vagin. Je me tortille, j'écarte plus les jambes pour lui faciliter l'exercice. De ses deux mains, elle saisit chaque côté de mes lèvres pour entrevoir encore mieux mon sexe. J'aime la sensation que cela me procure et je lui profère des encouragements.

-S'il te plait, continues, c'est trop bon... Est-ce que tu aimes mon sexe ?

- Oui.

- Continues, ne t'arrêtes pas”.

Et c'est ce qu'elle fait, elle continue si bien que ce n'est plus sa langue qui explore mon sexe, mais maintenant ses doigts. Je sens le bout de ses doigts posés à plat sur mon clitoris qui à mesure qu'ils prodiguent des frottements se durcit. Je ne suis qu'excitation, tout mon corps est dressé et ne veut plus qu'elle... Je me sens m'abandonner à sa langue, à ses mains, à son expérience de mon plaisir et je suis heureuse de la voir si bien me connaitre. Je ne veux pas que l'explosion se produise de suite pourtant, je la sens proche. Je la repousse ! Elle s'interrompt quelques secondes pour me demander :

“Où as-tu mis le lubrifiant, je sais que te connaissant, il n'est pas loin.

- Regarde à tes pieds...”

Avec application elle en imprègne ses doigts et en dépose en un goutte à goutte délicat sur mon sexe.

Ce qui lui permet d'insérer plus facilement un doigt, puis deux, puis... Cela devient de plus en plus chaud, nos murmures deviennent plus précis et n'ont vocation qu'à nous exciter plus, ses vas et viens et ses caresses me font littéralement tourner la tête et je ne manque pas de lui dire. Je veux qu'elle sache tout. Elle s'amuse de me savoir si enjouée.

Ses mouvements sont plus lents et profonds. Elle s'applique. A mesure que l’excitation se fait plus intense, je sens mon vagin se contracter et qu'à chacune de ses offensives, je me serre de plus en plus. Au bout d'un certain temps, cela devient presque insoutenable de me retenir.

Je suis sous le coup de ses mordillements, de ses aspirations, de ses pincements. Et, quand cela devient trop … je succombe.

Plus grand chose est à mon contrôle, je sens que mes forces m'abandonnent et que l'orgasme n'est pas loin.

Je sens que je le veux et je souhaite qu'il nous inonde de sa puissante volupté.

Je lui confie mon plaisir qui ne peut plus être contenu et que je vais jouir.

-Je jouis !

- Jouis mon bébé, je sais que tu aimes cela ... donnes tout ce que tu as ! J'aime cela... te voir prendre du plaisir sous ma langue et mes doigts... hum j'adore ça !”

ET ça continue, je sens que le plaisir traverse ma tête, ma poitrine, mon sexe, mon corps.

Une chaleur m'envahit et je la laisse m'inonder et me laisse aller.

Je suis démunie devant ces émotions qui m’emportent. Ce sont des sensations difficiles à décrire quand l'orgasme à la chance de nous traverser !

Après quelques secondes qui paraissent des minutes, je parviens à rouvrir les yeux et dis :

- J'ai joui, c'était tellement bon ! MERCI …

Elle sourit.

Coucou et son grand sourire !

Je me lève, je lui fais la bise.

Mes joues sont en feu et je me mets à espérer que cela ne se voit pas.

La voir me procure de l’excitation. Je ne m’attendais pas me retrouver si déstabilisée. Je sens qu’une chaleur envahit mon ventre. Mes mains deviennent moites et mes mots ont peine à sortir de ma bouche.

Cependant, de nombreuses choses se confirment : sa douceur que j’avais perçu lors de nos échanges et qui avait attisée ma curiosité …

Pendant que nous échangeons, je me demande …Elle est douce comment ? A quel point ? Son corps est doux ? Ses mains qui parcourront mon corps le seront-elles aussi ?

Je lutte pour rester focus sur ce qu’elle me dit mais j’ai beaucoup de mal car j’essaie de chasser mes pensées intrusives qui veulent déjà aller plus loin.

Mon regard s’attarde sur ce que je vois d’elle … Nous sommes en hiver ce qui se résume à pas grand-chose. Alors, je regarde ce que je peux apercevoir et je m’attarde sur ses mains, la manière dont elle se tient. L’intonation de sa voix me captive quand elle cherche ses mots … Son regard qui me fixe et je me sens comme un glaçon sous un soleil de plomb … je fonds.

Ce soir-là, je suis calme et pondérée. Je ne laisse rien paraître de mon attraction.

Je ne sais pas vraiment pourquoi je ne souhaitais pas qu’elle me perce à jour. Comme si cela venait désavouer la volonté que j’avais émise d’être amies et que ce serait contradictoire.

Ce n’est qu’après nous être quittées qu’à l’occasion d’un message, je lui formule le souhait que j’aimerais pouvoir continuer à la voir …

Un grand sourire se dessine sur mes lèvres quand je lis sa réponse : « Moi aussi ».

Ce moment passé avec elle et les échanges me font réaliser que se trouve devant moi la chance de vivre une nouvelle et prometteuse expérience de plaisir et d’intimité en sécurité avec une personne aussi incroyable qu’elle.

Entre nous, je sens que c’est un échange où chacune prend le temps de l’écoute, de l’observation et de la curiosité. Malgré le fait que nous soyons différentes, cela ne nous empêche pas de partager la volonté de faire de ces différences, notre union.

Je ne souhaite plus attendre !

Nous sommes toujours sur le canapé.

Je suis brûlante. Elle est pondérée.

Je suis explosive. Elle savoure.

Je déborde. Elle mesure.

Voici le tempo de nos ébats et la danse à laquelle nous nous adonnons ensemble.

Je retouche terre enfin et lui demande :

- et maintenant ?

- maintenant quoi ? ça valait le coup d’attendre ou pas ? dit-elle.

Je me prends à rire et dis :

- OUIII mais quand même, je n’aime pas ça ... attendre tu le sais et je tiens à te faire savoir que je n’en ai pas fini avec toi.

Elle ouvre grand les yeux en mimant la surprise. Elle est toujours à demi nue. Son torse présente les traces de mon plaisir. Je sens que mes joues s’enflamment.

Je reprends : Si tu crois que je t’ai oubliée ! Enlève ton pantalon !

Cela sonne comme un ordre et ça l’est.

Elle fait mine de ne pas saisir et s’exécute tout de même.

Je suis comme au cinéma, je suis spectatrice. Je la regarde défaire son pantalon, faire glisser la braguette et avec soin retirer une jambe, puis l'autre. Et à chaque fois, c’est comme la première fois, j'aime la contempler quand elle se retire ses vêtements.

Souligner de mes yeux chaque détail comme la cicatrice qui orne son genou, les poils noirs de ses jambes et de ses aisselles, ses chevilles délicates, les vergetures qui décorent ses fesses, son ventre et ses seins. Le désir qui me brûle pour elle me donne le tournis. Je ferme les yeux et reprends mon souffle pour reprendre une contenance.

Elle dissimule toujours son sexe derrière son slip et je lui jette un regard qui dit : qu'est-ce tu attends pour le retirer lui aussi ! A ce stade, nous n’en avons plus besoin.

Le dernier rempart disparaît et dévoile son pubis ! Les lèvres marron de sa vulve dépassent de chaque côté et je les imagine déjà gonflées de plaisir. Mes yeux s'éclairent et je me redresse pour m’approcher de ce saint graal. J’approche ma tête, mon nez encore plus prêt et je la renifle !

Chaque coin, chaque espace ! rien ne m’échappe. Son parfum envahit mes narines, je prolonge encore quelques secondes le moment pour le capturer à jamais… son odeur.

Elle est encore debout sur le côté du canape, je hausse la tête pour la regarder sa bouche me laisse voir son sourire éclatant ! Qu'elle est belle !

J'entreprends de le lui dire.

- Qu'est-ce que tu es belle ! Approches !

Comme j’aime ces moments où nous redéfinissons nos envies.

Moi tantôt dominée et dominante. Soumise et dominatrice. Elle, maîtresse ou docile.

Elle tend une main vers ma tête et m’invite à la diriger vers son entrejambe.

Je lui demande : “C’est ce que tu veux ? Je veux que tu me le dises !

- Prends-moi, susurre-t-elle …”

Elle n’a pas besoin d’en dire plus pour que je me lance dans mon exploration. Pour être plus à l'aise, je me lève du canapé et je la fais asseoir. Je lui fais écarter les jambes car je ne veux rien rater, je veux tout d'elle. Je me mets à genoux. Elle se présente à moi. Je commence ma dégustation, je la lèche allégrement. Je passe ma langue sur son clitoris, sur chaque espace de son sexe, ses poils me chatouillent et cette sensation ne fait qu’accroître mon appétit. Pendant que je la caresse de ma langue, je déguste son goût aigre doux et m'en régale. J'aime ce que me procure cette caresse. Je sens qu'elle aime, sa fente devient visuellement plus luisante.

Alors j'y vais encore plus fort, mes coups de langue deviennent plus forts et s'attardent vers son organe dédié au plaisir dont l'aspect a changé, mon nez s'immerge dans son intimité. Son clitoris est tout gonflé de plaisir.

Il est dur. Je le prends en bouche, le suçote, le mordille délicatement. Elle émet des sons que j’attribue au ravissement.

Je suis toute excitée de la sentir satisfaite. Rien ne m'arrête. Je fais de sa fente la mienne pendant cet instant et avec sa permission. Je la touche comme elle aime être touchée. Sa vulve est trempée... L'appel est tentant et j'y approche délicatement la langue. Cet attouchement lui fait échapper un cri de plaisir.

De ma place, à ses pieds, je vois qu'elle se caresse les seins, se pince les tétons, et sa langue passe sur bouche, ses yeux sont fermés mais je vois bouger ses pupilles à travers ses paupières.

Cette représentation est si belle que j'aimerais en capturer chaque seconde, je la garde en mémoire pour notre postérité.

Elle continue de se caresser avec ses mains, elle fait descendre ses doigts sur la partie visible de son clitoris et par des mouvements circulaires se caresse avec expertise. Elle tient son sein, elle se touche, sa respiration se fait plus rapide et je devine vers quoi elle veut aller et je décide de l'y aider.

Ma langue se veut encore plus entreprenante, décidée et précise. Je la sens encore plus émotive et sensible, j'observe ses doigts qui lui procure du plaisir, elle bouge son bassin d'avant en arrière.

Après quelques minutes, son corps est parsemé de frissons, ses poils se redressent et c'est là qu'elle vient !

Une vague de chaleur envahit ma langue, je m'en régale ! Son bas ventre est pris de contraction, elle crie de plaisir. Les mouvements qu'elle faisait sur son clitoris se sont accélérés pour se ralentir au fur et à mesure que l'orgasme la gagne. Elle rend les armes. Elle est vaincue ! Je suis comblée de la voir s'être abandonnée. Le temps qu’elle reprenne ses esprits, je me suis assise près d’elle sans interrompre son plaisir. Elle rouvre les yeux. Je m’approche. Je l'embrasse à pleine bouche et lui murmure :

- Je t'aime !

Sans vraiment pouvoir la dater, nous avions commencé une idylle. Nous prenions régulièrement des nouvelles de l’une et l’autre. Il arrivait qu’on se confie sur nos petits tracas, mais aussi nos moments plus joyeux. J’étais attendrie. Elle me manquait quand je comptais plusieurs jours sans avoir de notifications qui me disaient qu’elle m’avait écrit. Je prenais chaque signe comme une marque d’attention que j’investissais comme de l’intérêt pour moi. Je ne vais pas mentir cela me faisait du bien. Je me sentais importante. Je restais prudente car nous n’avions pas reparler de la nature de notre relation et aux dernières nouvelles nous étions “amies” … alors j’essayais de combattre les sentiments amoureux qui se faisaient plus pressant. Je pouvais compter sur son aide volontaire ou non. Je sentais qu’elle tenait cette posture bien que moi alors que je l’avais initiée. Nos entrevues restaient timides et sages. Nous partagions quelques heures par ci par là de nos emplois du temps. A chaque fois, ces rendez-vous prolongeaient en moi une quiétude dont je devenais accroc !

Cela a duré plusieurs mois avant que l’on s’embrasse.

Je me souviens encore de façon précise de ce moment. J’ai rarement connu une telle tendresse et cela m’a autant déconcertée que cela m’a fait peur.

Cependant, cela confirmait, que j’aimais passer du temps avec elle et être suspendue à la temporalité de nos rendez-vous. En réalité, j’en étais tombée amoureuse… je l’aimais et je ne pouvais pas lui dire…

Là assise près d’elle mes pensées ne cessent leur flot dans mon cerveau. Je pense souvent à la construction de notre relation. Je me suis souvent demandée la raison pour laquelle l'attente avait été si difficile et que je l’avais vécue comme une souffrance. J’ai, plusieurs mois après, des éléments de réponses. Les différentes épreuves que j’avais rencontrées ont façonné mes craintes de manquer et donc de perdre les personnes et les choses que j’aimais. Je réalisais que les moments difficiles m’avaient éloignée du bonheur. J’étais restée plusieurs années dans l’attente que le plaisir, la félicité et la sécurité fassent partie de mon quotidien.

Quand je l'attends, ce n'est pas seulement sa compagnie, la friction de nos corps qui se répondent, la moiteur de la tension sexuelle qui règne entre nous, notre tendresse partagée, mais aussi le fait que je puisse explorer la jouissance selon mes propres termes, mon propre timing, mon propre langage et tout cela avec elle sans avoir peur qu’elle m’échappe.

J’ai réalisé avec cette rencontre que l'érotisme et le plaisir sont des notions dont les femmes noires sont trop souvent écartées.

Je comprenais que j’en avais été éloignée parce que de façon naturelle, j’avais fermé l’accès et ce encore plus au sein d’une société dans laquelle l’existence et la beauté des femmes noires ne sont pas mises en avant.

C’était donc un voyage initiatique vers l’inconnu parsemé par de nombreux obstacles.

Je n’avais pas été introduite au plaisir. Tout comme le soin, le soutien et l’affection.

J’ai beaucoup été contrainte ou forcée et à plus de trente ans, j’ai longtemps ignoré à quoi cela pouvait correspondre.

J’attendais pourtant que cela m’arrive. Je savais, de façon certaine, qu’un jour je le saurai malgré le fait qu’il m’a été inculqué que je n’y aurais pas droit.

D’ailleurs, à ce propos, il existe très peu d’archives représentant des femmes noires, qui sont mes ainées, et qui sont oisives et profitent des nombreux plaisirs que la vie aurait pu leur offrir.

Pour appuyer cette constatation, il me semble pertinent de signaler que les femmes noires restent absentes des représentations et des récits sur le plaisir. A contrario, on peut lire de nombreux travaux sur leur labeur, leur courage, leur force et leurs différents combats.

Alors, pour ce qui est de se prélasser, profiter et jouir, on en déduit que c’est un luxe qui n’est pas à leur portée.

Cela s’explique par le fait que beaucoup d’entre elles portent très tôt la charge de leur famille. Elles sont un soutien logistique au sein du foyer et prennent très tôt le relai de leur mère. Elles ont rarement l’occasion d’être des enfants comme les autres. Lorsqu’on y ajoute des problématiques familiales comme celles de la colonisation, de l’immigration, de l'exil, de la violence, du secret et le fait de grandir parfois dans des foyers dysfonctionnels… le plaisir devient une chimère… un accessoire qu’elles ne peuvent se parer.

Je suppose que comme moi, ces femmes attendent le jour que cela arrive. C’est tragique de se dire que certaines ne connaitront certainement jamais l’apaisement ressenti après chaque moment plaisant.

J’aurai aimé comprendre plus tôt que derrière cette quête de plaisir se cache mon émancipation.

M'émanciper, je l’ai accompli par le fait d’apprendre à me connaitre à travers diverses expériences, de définir mes limites, ainsi que de rester fidèlement connectée à mes sens. M’émanciper cela s’est traduit par ma capacité à consentir et choisir !

Le plaisir s’est matérialisé comme étant le témoin que je suis bel et bien en vie et que je peux ressentir des choses tellement puissantes et agréables qu’il en devient vital de les reproduire et les renouveler. Le plaisir est le souffle indispensable à me maintenir en vie.

Je suis une femme noire.

Je suis une femme noire ET lesbienne et là encore le fait les femmes lesbiennes et noires soient si peu représentées où la sexualité des femmes noires soit exotisée, contribue à ce que la revendication du droit à l’épanouissement et l’émancipation soit d’autant plus forte.

Il n’est cependant pas aisé de se présenter comme étant une personne épanouie au sein de sociétés où des stéréotypes continuent d’être véhiculés. L’expérience du bien-être en devient alors plus difficile dans la mesure où nous n’y avons pas été éduquées et introduites.

Depuis petites nous sommes absentes d’images d’enfants joyeuses et joueuses. Devenues adultes, nous devenons les seules garantes de cette construction de bonheur et de lâcher prise, sans que nous ayons de précédent sur lequel prendre exemple. Nous devenons alors des pionnières ! Les premières à être libérées de cette pression et des carcans !

Nous ne souhaitons cependant plus attendre. Le renoncement à l’attente symbolise notre affranchissement à des codes sociétaux et familiaux aliénants.

L’attente assouvie est une revanche autant qu’une revendication pour toutes celles qui ne peuvent expérimenter le plaisir, être écoutées, être respectées socialement, sexuellement et être en sécurité !

La concrétisation du plaisir est un appel à la résistance et à la révolution pour que toutes les femmes qui me ressemblent puisse l’atteindre !

C'est tout ce qui me fait du bien à l'attendre. L’attendre n’est plus une souffrance. L’attente c’est ma libération !

Et, je ne suis pas seulement heureuse de ressentir ces émotions et de pouvoir les vivre. Mais je m'attarde sur le pouvoir que le plaisir a sur moi. J’en trace chaque contour, j’en dessine chaque trait. Je finalise chacun de ses détails. Mon croquis se dessine. L'attente d'Elle devient alors un état émotionnel extatique que je prolonge à l’envie.

Et je suis là. Je suis assise à ses côtés sur mon canapé. Pas un bruit dans l'appartement. Juste le silence de l’apaisement après s’être données et reçues.

Au loin, je distingue les bruits lointains de la circulation signe que d’autres vivent pendant que nous savourons et que nous profitons de notre oisiveté.

Je saisis l'importance de pouvoir prolonger la félicité que nous avons partagée. Le plaisir est éphémère mais nous partageons le besoin commun de le faire durer et de prolonger son existence dans nos souvenirs.

Je m'aventure à lui jeter un regard.

Je me pose toutes sortes de questions qui trouveront ou non des réponses, mais ce n’est pas le plus important maintenant !

La proximité de nos deux corps me fait apprécier le bonheur d’être proche d'elle. Ce bonheur est stable et me donne confiance, je m'y réfugie. C’est apaisant de se reposer sur une réalité concrète, de s’y nicher et d’y trouver le repos du corps et de l’âme.

La chaleur que produit nos enveloppes corporelles rallonge la tension sexuelle qui régnait et qui reste encore très présente.

Nos poitrines reprennent à peine leur souffle.

Son regard se jette dans le mien.

Je me décidé à briser le silence et lui lance :

- Ça va ?

- Oui … toi ?

- Oui, je vais bien... je me sens pleine de toi jusqu'à la prochaine fois !

- Combien de temps es-tu sûre de pouvoir attendre ?

- Chut ...

Je lui ordonne de se taire

Justement … je ne peux pas attendre … je ne souhaite plus attendre. Je veux être libre ! Emmène-moi loin encore et pour longtemps ... Je n’ai plus le temps !

Source image : Valenciiaa

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