Philautia (Cycle de l'Amour) ...

C'est le mot grec qui décrit l'amour de soi, l'amour propre, le soin et l'attention que l'on s'accorde à soi-même.

L’Amour de soi !

Cette forme d'amour est dénuée de vanité, d'égocentrisme et de narcissisme.

Selon Aristote tous les sentiments que nous éprouvons à l'égard des autres sont le prolongement de ceux que l'on éprouve pour soi-même.

Cette forme d'amour pousse à l'auto-compassion et la bienveillance envers soi.

Nothing without me ...

Cette version de moi, je ne l'ai pas créé d'une nuit à l'autre.

C'est une expérience de vie.

C'est une expérience de souffrances, de peines et aussi de joies.

C'est un chemin pavé d'insécurités, d'abus, d'épisodes dépressifs plus ou moins longs, plus ou moins intenses, de tentatives de suicide et de réalisations personnelles.

J'ai, je suppose, dû traverser toutes ces étapes afin d'arriver où je suis aujourd'hui et j'espère pouvoir avancer toujours plus pour et avec moi.

Beaucoup de turbulences m'ont traversées quand je n'ai pas eu l'opportunité d'exprimer qui j'étais réellement, ainsi que ce qui me rend satisfaite et heureuse.

Je ressens de la satisfaction lorsque je me sens guidée par un objectif... un but.

Sans objectif pour me guider, il est probable de me laisser séduire ou être influencée par l'insatiabilité et le consumérisme qui caractérisent notre époque et qui me laisse en proie à mes insécurités, à certains dangers et distractions.

Dans certains discours, il parait de plus en plus obsolète de vouloir une vie simple et sécurisante dans laquelle je ne me mets pas en danger volontairement, que l'idée selon laquelle s'engager romantiquement, sentimentalement et sexuellement envers une seule personne est irréelle, non souhaitable et même effrayante.

Mais si elle correspond à ma réalité, dois-je y renoncer parce que certaines voix prônent le contraire ?

Je me considère comme une personne ouverte et compréhensive voire malléable (trop), cependant j'éprouve la nécessité de ne plus perdre pieds de ma réalité et de qui je suis de la tête aux pieds.

Les appels extérieurs ne me tentent plus, ils ne trouvent plus ma réponse et ne font plus écho à la personne que je deviens au fil des années.

Je me sens tranquille et tranquillisée quant à mes désirs, ma sexualité, mes origines, l'identité des personnes avec lesquelles je souhaite partager un moment/des moments de mon existence et l'éducation que je donne à mes enfants.

C'est pourquoi, malgré toutes ces turbulences, il est important que je reste le plus proche possible de mon objectif ... celui de l'amour de moi, de prendre soin de moi ... pour que cela devienne une fin en soi.

Pour ma part, j'aimerais pouvoir en finir avec cette problématique de l'Amour de soi.

En finir avec l'idée que si on s'aime suffisamment soi-même la vie serait plus simple et que l'on sera aimé.e des autres et que nous pourrions les aimer en retour.

Cela reviendrait à dire que l’Amour se mérite et c’est une pensée validiste et qui de ce fait exclut de nombreuses personnes.

J'aimerais pouvoir verbaliser que s'aimer soi-même passe aussi par la manière dont on est aimé.e.s par les autres, la manière dont on est traité.e.s par les autres et de l'impact que les bonnes et mauvaises Relations (profesionnelles, familiales familiales, sentimentale, sexuelles, amicales etc…) ont sur soi.

J'aimerais que l'on puisse dire que d'avoir des difficultés à s'aimer est normal dans un monde sexiste, validiste, élitiste, classiste, grossophobe, queerphobe et raciste.

Pour autant, malgré les difficultés que cela implique, il est important de lutter contre ces obstacles afin de pouvoir se créer des communautés d'entraides, militantes, amicales, sentimentales et professionnelles.

J'aimerais aussi que l'on puisse dire que nous n'avons pas à être beaux, belles, riches, minces, diplomé.e.s, intelligent.e.s, valides, cis, pour être aimé.e.s.

***

Je ne sais pas bien à quel moment, j'ai commencé à me regarder avec un regard bienveillant.

Je crois, pour répondre honnêtement, je débute tout juste.

Je débute tout juste à déployer mes ailes et à prendre le courage d'être moi-même.

Jeune, mon besoin d'appartenance était très développé et je pense que c'est habituel chez les jeunes enfants, les adolescent.e.s et les jeunes adultes.

Plus j'approche la quarantaine ... moins je ressens le besoin de ressembler aux autres, de vivre les mêmes choses que les autres, posséder les mêmes choses que les autres et m'opposer aux autres juste pour montrer que je suis différente.

La finalité ET la réalité est que je veux la même chose qu'à peu près tout le monde sur cette Terre : avoir une vie paisible et entourée des personnes que j'aime, qui me soutiennent et comme je suis parent avoir la possibilité d'accompagner mes enfants aussi longtemps que la vie me le permettra.

Adolescente, ce qui me faisait souffrir c'était de me sentir différente.

J'ai été souvent la seule fille noire de mes classes du collège au lycée, je me sentais différente de mes camarades féminines, je n'avais pas d'amoureux.se et surtout je devais être la seule à subir des violences sexuelles au sein de sa cellule familiale ... ce qui n'a fait que renforcer ce sentiment de différences, à me déprécier et à performer la normalité.

Je n'ai rien laissé paraitre car je voulais m'insérer dans ces groupes, appartenir à ce mouvement scolaire général et ne pas me mettre d'autant plus à la marge.

Alors, j'ai adopté les codes, j'ai emprunté les mêmes tics de langage, les gestuelles, les tenues vestimentaires et cela a bien marché car ABSOLUMENT PERSONNE ne s'est rendu compte de la révolution qui se passait dans ma tête, mon cœur et mon corps.

J'ai utilisé les moyens que j'avais à disposition pour me dissimuler, ce qui m'a permis de ressembler à une énième jeune fille et jeune femme par la suite.

Rien ne devait dépasser.

Rien ne devait paraitre.

Le vernis devait être bien appliqué !

Mais comme tout vernis, il finit par craquer avec le temps...

Avec l'âge et les difficultés de la vie d'adulte, j'ai pris le recul sur ce que j'avais vécu et j'ai réalisé toutes les fois où je me suis menti à moi-même, où je n'ai rien dit pour ne pas froisser l'autre et où j'ai réduit la place que j'occupais pour donner cet espace aux autres ... qui elleux n'ont pas manqué de l’occuper ... tout l'espace dont je leur laissais disposer et enfreindre mes limites !

Pendant ce temps là, je me faisais du mal et je ne m'en rendais pas compte.

Je ne me rendais pas compte de ma valeur, de la nécessité de prendre soin de moi malgré les liens que j'entretenais avec ces diverses personnes qu'elles soient mes parents, des amoureux.se.s, des employeur.e.s, des ami.e.s etc ...

Plus les relations m'abimaient, moins je m'aimais ... car je m'en voulais de ne pas dire, de ne pas crier, de ne pas dire non, de ne pas dénoncer etc ...

Et c'est mon corps qui a été la première victime du désamour que je m'infligeais.

Je l'affamais et lui imposais des périodes de jeûne.

Je l'enfermais dans des vêtements qui l'emprisonnaient.

Je ne prenais pas soin de lui.

Je le maltraitais.

J'écoutais les injonctions qui m'étaient dictées.

Ce comportement a duré des années avec des pics d'alerte que j'ai pu maitriser ... jusqu'à ce que je ne puisse plus le faire mentalement.

Ma santé mentale a beaucoup souffert de cette gymnastique émotionnelle, car je ne savais plus qui j'étais. Je ne savais pas comment me sauver et me préserver de la manière dont je me présentais aux autres.

Je me mettais à disposition, sans définir mes limites... je n'ai pas su le faire.

Et moins j'avais l'espace de m'aimer ... MOI !

S'aimer soi-même qu'est ce que cela veut bien pouvoir dire à une personne qui n'a jamais su ce que c'était durant son enfance et qui a noué par la suite ses relations sentimentales et émotionnelles sur la base de la peur d'être abandonnée.

A un certain moment, il est devenu nécessaire de tout recommencer.

De s'arrêter et de poser un regard bienveillant sur moi après des années où il m'a été dit que je n'étais capable d'aimer personne à part moi-même (ce n'est pourtant pas l'expérience que mon corps retient), que je pouvais être difficile à vivre et que mes peurs et traumas prenaient trop d'espace dans mon quotidien, ainsi que mon passé de survivante de violences éducatives et sexuelles ...

Comment s'aimer après cela, comment se dire que l'on va faire la démarche de s'aimer soi quand l'image que l'on renvoit est contraire à l'amour !

Il m'a donc fallu tout un travail de déconstruction et de mise en perspective de ma personnalité et de mon parcours.

Quand, j'ai le courage, je regarde timidement les photos de moi, mon sourire, la manière dont je me tiens et réapprends à apprivoiser mon image ...

Je dirai que c'est à partir de l'adolescence où mon image à commencer à me déplaire, mon corps qui a changé, les règles, les abus sexuels, les blessures invisibles à l'œil nu et je ne me suis plus vue.

J'ai imaginé une personne qui ne vivait pas tout ce que je vivais malgré tous mes efforts, elle n'a jamais existé.

Une étrangère a alors pris possession de mon corps et de mon esprit et a élu résidence dans mon intérieur. J'ignorais comment la déloger, elle ne voulait pas partir.

Nous avons cohabité trop longtemps.

J'ai fini par l'expulser malgré plusieurs tentatives infructueuses.

Elle a failli avoir le fin mot sur moi !

Elle a voulu ma perte, ma déroute, ma mort !

Mais je ne l'ai pas laissé faire !

Je me suis aperçue que tout ce que j'entreprenais c'était parce que je ne m'aimais pas comme je l'aurai dû.

Ce qui a permis à ce que je laisse, sous ma responsabilité, des personnes et des situations me malmener à mon tour, ce qui alimentait la théorie que je pouvais aimer, m'aimer et être aimée.

Il m'arrive d'avoir des regrets, de regarder le passé et d'avoir honte.

Une envie irrépressible me prend de pouvoir tout effacer ...

Seulement, c'est mon chemin ... je dois le surpasser afin qu'il ne me définisse plus ... ne me définisse pas !

J'ai donc posé un regard aimant sur Audrey, la petite fille que j'étais en cessant de souhaiter ce que j'aurais aimé qu'elle soit.

J'ai regardé les accomplissements qu'elle a réalisés avec son si petit butin qui s'avère être colossal.

Alors, j'ai posé un regard aimant sur Audrey, l'adulte que je suis en cessant de souhaiter ce que j'aurais aimé que je sois.

J'ai regardé mes accomplissements et le butin que j'ai accumulé qui est colossal.

J'ai porté plainte à 19 ans contre mon père incestueux.

Après 3 ans d'enquête, d'interrogatoires, de révélations familiales, le procès a eu lieu et mon père incestueux a été condamné.

J'ai pu évoluer loin de lui, de ses assauts, de sa violence, des humiliations quotidiennes qu'il me faisait subir et les violences éducatives qu'il infligeait à mes frère et sœur.

Il n'y a aucun évènement de ce procès que j'aimerais modifier... même si dans mes cauchemars je le tue ... (tuer le père) !

Je m'imagine quand même avoir le courage de l'affronter.

20 ans après, très sincèrement, je n'ai pas la force de lui faire face... cela reste un cauchemar que j'ai vécu toute éveillée.

J'ai ensuite réussi à me sortir d'une relation de couple et familiale violente qui nous a coûté à mon fils et moi une majeure partie de son enfance et ma parentalité avec lui.

Les regrets que je conserve sont mon impuissance, ainsi que les décisions que j'ai dû prendre qui restent coûtantes.

J'éprouve de la tristesse pour la jeune femme que j'ai été.

Je pose un regard rempli de compassion sur mon abandon quand il s'agit des relations sentimentales et émotionnelles, que désormais j'examine et apprends à décrypter pour me préserver et ne pas reproduire les erreurs commises.

Préserver mon intimité, ma famille, ma fille, mon corps, mon cœur !

J'apprécie ma solitude avec laquelle j'aime composer.

Ma rigidité qui, pendant longtemps j'ai pensé qu'elle me protégeait, mais qui s'est révélée être inefficace dans des moments de ma vie où j'en avais eu le plus besoin.

Cette rigidité et solitude dans lesquelles je veux créer maintenant un refuge à l'heure où elles peuvent paraitre comme des freins à mes interactions sociales.

Je ne souhaite plus pour me conformer à de nouvelles normes sociales et donner une image de moi que je ne suis pas.

Les interactions sociales peuvent être des espaces de perte de soi, d'identification à un groupe et d'influence qui, si on ne prend pas suffisamment le temps d'introspection, peut nous mener à agir comme une personne étrangère à soi, à contrevenir à ses valeurs et à travestir ses modes de pensées.

J'ai, réflexion faite, perdu du temps et de moi à me conformer à ce que la société, les groupes, les communautés dans lesquelles j'ai pu évoluer exigeaientment de moi.

A commencer, par avoir une vie de personne hétérosexuelle alors que je ne le suis pas.

Ensuite évoluer dans des relations que je pensais lesbiennes qui n'en étaient pas.

Puis de n'avoir pas pris la mesure de l'importance de mon individualité.

Je me suis imposée cette conformité, car dans les environnements dans lesquels j'évoluais et dont je voulais faire partie, je pensais que je n'avais que ces choix pour exister.

C'est pourquoi, je chéris ma solitude ... parce qu'elle me révèle et est conforme à ma personnalité.

Je jette un regard bienveillant sur les réalisations que je souhaite désormais accomplir dans cette nouvelle saison de ma vie.

Une saison que je souhaite tranquille, saine, douce, paisible, sensuelle.

L'apaisement d'être confortable avec l'idée d'être à une certaine marge.

Savoir que je ne peux pas faire l'unanimité.

Me consoler et cesser les projections sur les autres car iels ne pourront jamais répondre à mes attentes, accepter ce qu'iels sont et si l'acceptation se révèle être difficile, de les quitter et les laisser là où iels sont.

Apprendre à m'aimer ces deux dernières années s'est traduit par le retrait, l'analyse et la révolution de prendre autant soin de ma santé physique et mentale.

Je me suis remplie de tout ce qui pouvait être bénéfique pour mon bien-être, dont je n'ai pas fini d'en déterminer et peaufiner les contours.

Apprendre à m'aimer m'a permis un alignement et un éclaircissement de mes priorités, définir mes limites, me retirer autant de fois que cela a été nécessaire.

Etrangement, cela n'a rien à voir avec le physique, avec la parfaite coiffure ou le dernier outfit ... un peu quand même hein !!!

Cela a tout à voir POUR MOI avec l'amour et la tendresse avec laquelle je me regarde à travers le miroir et comment cela rayonne dans ce que j'entreprends pour moi, mes enfants et la route que nous empruntons qui s'éclaircit à mesure que nous avançons.

Prendre soin de soi ce n'est pas de l'égocentrisme, c'est de l'auto-préservation, c'est un acte politique d'autant plus pour les femmes noires comme le disait Audre LORDE.

Je finirai par dire que s'aimer soi-même c'est avoir suffisamment confiance en soi et ce peu importe le chemin que l'on emprunte et toujours se reconnaitre ... toujours !

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