Storge (Cycle de l'Amour) …

STORGE : c'est le mot grec pour décrire l'amour, l'affection familiale et l'amour parental.

C'est l'amour naturel ressenti par les parents pour leurs enfants.

Storge c'est le fait de chérir ses proches.

Il symbolise l'amour entre les parents, l'amour du couple, de l'union, de l'amitié.

Voici déjà plus d’une année que j'ai entamé le cycle sur l'Amour qui, au fur et à mesure que les mois passent, ressemble plus à une épopée.

Ce nouvel article est consacré à la famille « STORGE ».

La famille est un vaste sujet et une problématique centrale à bon nombre d'entre nous.

La famille ... celle rêvée, celle encore représentée comme un havre de paix et d'amour est avant tout un organe économique et politique.

La famille est également un lieu d'oppression.

Ce n'est pas dire que toutes les familles le sont : c’est dire que les structures sur lesquelles reposent la famille sont les fondements du patriarcat, qui repose sur l'oppression, la domination de l’homme sur la femme, des parents sur les enfants etc ...

LA FAMILLE :

Dans les principales recherches que j'ai effectuées sur la famille, elle est décrite comme étant un groupe d'individus descendant d'un chef commun et uni.e.s par des liens du sang et placé.e.s sous l'autorité absolue du père ou de l'aîné.

A la mort du père ou du patriarche, l'ensemble des descendant.e.s continuent d’exister comme un groupe social toujours lié.e.s par le lien de descendance.

Dans d’autres définitions que j’ai pu lire, la famille est aussi décrite comme un groupe économique.

Certaines recherches étymologiques, font état que famulus et familia désignent l'ensemble des esclaves appartenant à un même foyer (dictionnaire étymologique de la langue latine de Ernout-Meillet).

Ce qui voudrait dire qu'appartenir à une famille c'est (par extrapolation linguistique) être soumis.e à la puissance d'un chef de famille.

Nous sommes majoritairement issu.e.s de familles nucléaires, autrement appelées famille domestique ou naturelle.

Le patriarcat a créé le mariage (l'union) pour légitimer et imposer la création de familles dont les membres sont exclusivement unies par des liens du sang.

La famille peut-être décrite comme le regroupement d'individus réuni.e.s autour :

- d'objectifs de défense,

- d’intérêts économiques,

- d’acquisition de territoires, de richesses ou de biens,

- la pérennité du patronyme.

On notera que cette liste non exhaustive d’intentions produisent de la violence.

La famille est aussi un organe politique, dans le sens où elle fonctionne comme un état :

- tant dans son organisation (hiérarchie, autorité, souveraineté),

- tant dans la désignation de la personne unique qui la dirige (personnification et incarnation d´une personne référente souvent un homme),

- tant dans les règles qui régissent certaines familles.

Dans ces principes, on comprend que la famille a pour première fonction d'ordonner les relations entre les membres qui la composent et ses fonctions fondamentales sont :

- l'éducation et la reproduction ;

- la morale ;

- la discipline ;

- l’obéissance ;

- la transmission de coutumes, traditions et usages parfois régies par une religion.

Les familles dépendent du pater familias (chef de famille), qui sous l'empire romain était l'homme de plus haut rang et qui détenait la patria potestas (l'autorité paternelle) sur sa femme, ses enfants, et comme nous parlons d'empire romain, sur ses esclaves.

Il y a pourtant des familles qui ne répondent pas à cette prérogative du chef familial masculin.

On observe particulièrement dans les sociétés caribéennes la matrilinéarité ou matrifocalité et nous ne pouvons que saluer l’ingéniosité et l’intelligence avec lesquelles ces familles ont subsisté et ont résisté à l’adversité de se heurter à l’institution dominante qu’est le patriarcat.

Raymond Thomas Smith (anthropologue) désigne la matrifocalité dès 1957 comme des familles où la mère occupe une place centrale dans la famille en raison de la marginalité ou l’absence du père.

La famille matrilinéaire est un système de filiation dans lequel chacun relève du lignage de sa mère.

Françoise Héritier (anthropologue et féministe) disait que la naissance de filles étaient nécessaires pour continuer cette filiation par la mère.

Aussi, la famille matrilinéaire n’est pas synonyme que le pouvoir appartient aux femmes.

Au sein de ces familles, des hommes y évoluent et peuvent y exercer leur autorité et domination.

Ces familles matrifocales et matrilinéaires peuvent etre considérées comme une des définitions de la famille monoparentale où le ou les enfants grandissent au sein d’environnements où le père n’est pas présent.

Sur un aspect purement juridique et ce malgré sa réticence, il a fallu que le législateur reconnaisse ces familles et leur confère des droits similaires aux familles nucléaires.

Au regard du droit, pendant longtemps la mère et ses enfants ne pouvaient constituer, à eux seul.e.s une famille.

La mère est devenue la représentante de la puissance paternelle en l’absence du père.

L’ouverture du droit de la famille aux familles monoparentales s’est réalisé au prix de luttes opposant les conservateurs de la hiérarchie de la filiation et les partisans à l’égalité des droits.

Avec l’acquisition de ces droits, nous avons alors assisté à la suppression de la prépondérance du mari sur la femme et à la substitution du concept de puissance paternelle par celui d’autorité parentale.

***

Au cours de l'évolution des sociétés, les états ont pris plus d'importance, ce qui a eu pour conséquences que le pouvoir des familles ait pu décliner.

En effet, avant la création des états, les individus ne dépendaient que de l'autorité de leur famille et iels devaient obéir et étaient soumis.e.s à l'autorité du chef de famille.

A mesure que les états se sont structurés, les familles se sont vues dépendre et être soumises, à leur tour, à l'autorité de l'Etat et n’étaient plus les seules entités à pouvoir exercer une domination sur un groupe de personnes.

De nos jours et même avec l’autorité des Etats, dans certaines familles, c'est toujours l'autorité familiale qui prime.

***

La famille est un organe politique :

- l'organisation familiale lie les individus;

- les familles sont à l'origine de différents groupes sociaux possédant chacun des fonctionnements qui leur sont propres.

On peut dire que la famille fonctionne de manière exclusive, c’est-à-dire qu’on y entre en étant le.la descendant.e de l'un.e de ses membres ou par l'assujetissement (mariage ou filiation).

L'épouse se retrouve rattachée à la famille de son mari à partir du moment où celui-ci a obtenu sa main, ce qui lui confère certains droits et pouvoirs qui peuvent être révoqués en cas de divorce ou décès du mari.

Longtemps, pour qu'une famille soit puissante, il n'était pas possible que les personnes qui la composent appartiennent à deux familles en même temps.

Par exemple, en cas de mariage, la femme intègre la famille de son mari pour ne pas affaiblir sa puissance, elle porte le patronyme de son époux, ainsi que les enfants du couple, le patrimoine et héritage sont légués aux descendant.e.s (plus particulièrement les personnes masculines).

Ne plus faire famille ?

Il est très difficile et parfois risqué de ne plus appartenir à une famille, tant dans la symbolique et les liens du sang, à moins de s'y extraire volontairement ou sous la contrainte.

En sortir s'apparente à un appauvrissement, un isolement et une perte de capital.

C'est d’ailleurs souvent ce qui menace les personnes qui ne répondent pas et/ou n'obéissent pas aux exigences de l’autorité familiale (dés-héritage, bannissement).

Les droits successoraux et l’héritage constituent l'expression de la nature politique de la famille : la succession c'est la transmission de la souveraineté de la famille à un.e héritier.e.

Le transfert du patrimoine ne peut se faire sans cette qualité (d'héritier.e).

***

Dans toutes les recherches que j'ai effectuées sur la famille, je n'ai pas trouvé de rapprochement avec l'Amour.

Quand dans l'antiquité la famille est évoquée, la notion de l'amour y est absent.

C'est pour romantiser les unions, légitimer les alliances politiques entre familles et renforcer l'acquisition de biens mobiliers et immobiliers que l'amour a servi de socle à la nécessité pour les Humain.e.s de faire famille.

Il est important de prendre conscience des mécanismes de la construction de la famille ET de l’amour « romantique » qui découlent du patriarcat.

Pour pouvoir imaginer une autre manière d’aimer et de faire famille, il est instructif de connaitre de quelles bases nous partons et pourquoi ces fondements ont de réelles incidences sur nos manières d’aimer, de fonder une famille et/ou de relationner.

***

La famille et le couple n'ont pas toujours eu la dimension affective qu'on leur connait et qu’on leur prête.

La famille au sens sociologique du terme est une institution économique qui produit des richesses.

La famille est aussi un lieu d'inégalités et d'oppressions :

- en France, les femmes gagnent en moyenne 25% de moins que les hommes;

- à compétence et formation égale l'écart reste de 12 %;

- en France, les inégalités de patrimoine entre hommes et femmes s'accroit, il était de 9% en 1998 et était de 16 % en 2015;

- l'écart de salaire entre époux (homme et femme) est de 42%;

- au moment de la fin de vie, les écarts se font d'autant ressentir : les hommes ont généralement été pris en charge gratuitement par leurs femmes jusqu'à leur décès.

Ce qui n'est pas le cas pour leurs épouses, qui même quand elles perçoivent une pension de réversion au décès leurs époux, se retrouvent isolées, intègrent des EHPAD ou doivent faire appel à divers aides extérieures qui sont couteuses;

- en matière d'héritage, les hommes héritent encore en priorité de biens structurants (maisons, exploitations agricoles, entreprises), tandis que les femmes vont percevoir des compensations financières qui paraissent égalitaires.

MA FAMILLE

Je suis née d'une famille nucléaire.

Un père, une mère et les enfants.

Malgré l'apparente normalité de la famille dans laquelle je suis née, dans un sens plus large, je ne m'y suis jamais sentie y appartenir...

Au fil du temps, j'ai appris que mon arrière-grand-mère et ma grand-mère du côté maternel n'ont jamais été mariées (elles ont formé des familles monoparentales et ont transmis leur matronyme à une partie de leurs enfants), étaient modestes et n’ont jamais rien pu posséder.

Du côté paternel, ma grand-mère n'était pas marié à mon grand-père.

Elle a eu mon père précocement, ce qui laisse à supposer de possibles violences à son égard.

De plus, n’étant pas originaire d’une famille socialement acceptée par la famille paternelle, mon père lui a été enlevé dès son plus jeune âge (sous le prétexte de sa jeunesse).

Elle n’a pas pu élever son fils… elle n’a pas pu faire famille étant donné sa condition de femme issue d’une famille pauvre aggravé par l’opprobre que pouvait représenter d’être une femme-mère sans être mariée.

Les hommes de ma famille même s'ils pouvaient être présents, n'occupaient pas une place centrale au sein de ma famille :

- soit parce qu'ils en ont fait le choix,

- soit parce que la violence qu'ils ont pu exercer a contribué à ce qu'ils en soient aujourd'hui écartés.

MA FAMILLE CHOISIE

Avec la maturité et le travail de réparation et de guérison, j’aspire à construire un environnement familial sans domination et violences.

Ce travail exige que j´identifie les traumatismes familiaux dans la mesure où je suis issue de familles où :

- la violence était la norme ;

- le secret familial gangrénait les relations ;

- l'amour était peu palpable ;

- les traumas intergénérationnels se sont transmis sans être brisés et questionnés.

C'est un travail de longue haleine.

Lorsque je reprends les définitions et le sens du mot famille, la dimension affective n'est pas, je le rappelle, une des prérogatives.

Ce qui peut expliquer la difficulté à en faire un lieu d'amour.

Cependant, je me dis que c’est possible aujourd’hui, avec les ressources dont nous disposons, de créer un modèle familial à soi.

Longtemps, la famille a servi de justification aux abus qui pouvaient y être commis.

C’est à nous… c’est à moi qu’il incombe de créer une famille qui ne traumatise pas.

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