Fertilité, Lesbianité, Parentalité !

Au travers de mes relations avec les femmes, j’ai réalisé qu’une relation n’avait pas nécessité à donner naissance à un.e enfant pour être fertile.

Mes relations avec les femmes ont toujours été riches, cela s’entend toutes n’ont pas été positives, mais elles m’ont toutes beaucoup appris.

Je dirai qu’elles m’ont structurée et m’ont permis de me décentrer de toutes les croyances et injonctions, de ce que doit être une Femme pour être équilibrée et reconnue par sa famille et l’ensemble de la société.

Comment s’est construit mon idée de la fertilité

Je suppose que mon idée de la fertilité s’est construite pendant l’enfance.

Par les représentations que j’avais autour de moi qu’une famille devait être composée pour être reconnue d’un papa / d’une maman/ d’un ou plusieurs enfants.

Les représentations artistiques et littéraires allaient également abondamment dans ce sens, si bien que tous les contes avec lequel j’ai grandi finissaient inlassablement par “ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants” … (quelle entourloupe patriarcale !).

De ce fait, je ne me posais pas la question .. étant une fille et m’identifiant comme une future femme, je savais que je devrais passer par cette case de la maternité, sans même savoir si j’étais biologiquement fertile, si les conditions dans lesquelles je pouvais avoir un enfant seraient être réunies et encore plus important si j’avais envie d’être parent ???

Au cours de l’adolescence et à l’arrivée de mes menstruations, on m’a fait comprendre que je devais faire attention pour ne pas être enceinte … OK mais comment on sait qu’on est enceinte à 13 ans … comment cela arrive ? Je n’ai pas eu plus de réponses … Est-ce que si un garçon me regarde trop fixement … je suis enceinte …

En suspens …

Bien entendu … j’ai grandi et j’ai appris, le plus souvent par moi-même, comment une personne en âge et en capacité physique de procréer pouvait accéder à la parentalité, mais tout ceci m’a semblé abstrait tant que je n’avais pas trouvé l’autre sujet avec lequel “m’accoupler” …

C’était abstrait … mais je ne sais pour quelles raisons, je ne pouvais pas y échapper.

C’était comme si cela représentait une étape indispensable à mon parcours et c’est ce qui est arrivé !

A peine entrée dans l’âge adulte … n’ayant pas terminé mes études (autre pré-requis pour être une adulte accomplie), je suis enceinte.

Au départ, je n’y crois pas.

On m’avait dit que cela allait être difficile d’être enceinte … que cela pouvait parfois durer des mois voire des années avant d’avoir un résultat positif … un mois après avoir l’arrêt de ma contraception hormonale, je suis enceinte de mon premier enfant tout à fait volontairement.

C’est autant un chamboulement mental, physique émotionnel mais je tiens en mon sein, la preuve que je suis fertile.

Que la relation que j’ai avec le père de ce futur garçon existe car désormais toute notre relation, notre vie se tourne vers cette parentalité en devenir.

Les mois passent, mon ventre s’arrondit … malgré les nausées, les maux digestifs, l’incapacité à rester concentrée plus de 30 minutes sans avoir de violents maux de tête, se tient la promesse faite dans tous les contes de fée que j’ai lus que je serai heureuse.

C’était écrit !

L’histoire, mon histoire n’a ressemblé en rien à un conte de fées et en soi ce n’est pas le plus important.

Ce que je questionne, c’est pourquoi à mon si jeune âge … je voulais être parent … je le voulais vraiment et tout le script autour de la parentalité m’allait bien.

Je croyais en ce projet familial dans ce contexte nucléaire et s’il n’y avait pas eu de violences au sein de mon couple, j’aurai sans doute eu d’autres enfant avec ce “prince charmant” !

Conte horrifique…

Dix ans séparent mes deux parentalités.

Au cours de ces dix années, mon champ lexical autour de la maternité s’est enrichi.

J’ai pu entendre ou lire des mots comme : piège / enfant dans le dos / père absent / difficulté à concevoir / IVG / mère isolée / famille monoparentale / interruption involontaire de grossesse / SPM / piqûres / burn out parental.

Encore une fois, je me retourne vers la responsabilité des contes de fées qui m’ont été lus …car jamais ils mentionnaient que ce serait aussi “fucked up” d’être fertile, de mener une grossesse à son terme et d’élever un.e enfant dans des sociétés aussi violentes, racistes, sexistes et enfant-bashing !

Malgré tout … je retente une nouvelle fois l’expérience car mes entrailles criaient que je devais enfanter de nouveau.

Juste pour confirmer ou non ma fatalité d’être née femme.

Je donne alors naissance à mon deuxième enfant dans d’autres dispositions :

Fortifiée de 10 années de plus … d’un père plus qu’un partenaire (j’ai compris entre temps que le prince charmant était un scam) et délestée de toutes les injonctions avilissantes sur la maternité.

J’allais avoir une seconde parentalité en dehors de tout ce que j’avais connu et surtout inédite dans mon entourage.

Solo la plupart du temps, moi et mon bébé … son père super présent mais pas sous le même toit et mon coming out … là…

Comment j’ai remis en question l’idée de fertilité

Je m’annonce comme lesbienne et là tout un tas de questionnements viennent à mon esprit.

Comment et sur quoi un couple de femmes se fonde-t-il ?

Comment aborder la question de la parentalité ?

Comment trouver une place à ma parentalité aux travers de ces relations ?

Est-ce que je voudrais d’autres enfants ?

Pourrais-je être le parent d’un enfant qui ne serait pas “biologiquement” le mien ?

Et je n’ai pas trouvé de contes de fées auxquels me référer, car aucun de ceux que j’avais lus ne traitaient de ces questions.

D’un couple de femmes,

De ces unions presque toujours invisibles de l’aube à la fin.

De deux femmes qui ont un projet parental ,

D’une femme déjà parent qui est en couple avec une femme qui n’en a pas …

Que faisons-nous de ces femmes-là, de ces couples là ? Leur existence est telle louable malgré le fait que pour certaines de ces unions resteront infertiles par choix ou non !

Puis… les difficultés liées à l’accès à la parentalité quand on se trouve en dehors des normes hétérosexuelles (femmes seules, personnes trans… couples d’hommes).

Presque dix ans après, mon expérience en la matière s’est affinée.

Mon positionnement sur la parentalité s’est précisé et j’ai énoncé à plusieurs reprises que le désir de parentalité n’a rien à voir avec l’identité ou l’orientation sexuelle.

Je crois fermement que lesbienne ou non, j’aurai sans doute voulu avoir des enfants.

Avec un parcours d’hetera mon expérience a été facilité, je ne le nie pas, non seulement parce qu’il m’a été simple d’accéder à la parentalité (de façon naturelle et sans intervention médicale) et parce qu’en représentant une femme en santé, c’est la destinée qui nous est implicitement soufflée.

Obligation !

Je suis très heureuse de mon rôle de parent … même si bien souvent c’est épuisant et émotionnellement prenant… quand je constate les obstacles avec lesquels nous devons composer pour être un.e parent aujourd’hui, c’est un choix et une décision que je continuerai à mûrir et à questionner (mode de garde, alimentation, sécurité, coût financier, Éducation…).

Ce que je constate également c’est que mon rôle de parent invisibilise totalement le fait que je sois lesbienne.

Alors que de mon point de vue … je suis d’abord une personne avant d’être parent.

Mes enfants je les aime et je serai prête à beaucoup pour elleux, malgré leur présence et la responsabilité qui m’incombent … je refuse de m’appréhender comme parent avant tout.

Ce d’autant, qu’au travers mes relations avec les femmes, j’existe tout autant voire davantage!

De mon regard, elles ont été et sont bien plus fertiles en sentiments, en émotions, en sexe, en discussions.

Et tandis que j’approche tranquillement vers le déclin programmé de ma fertilité … je me sens libre et libérée de cette charge que peut être le questionnement sur la parentalité.

Je me sens tranquille de ne plus avoir à me poser ces questions : quand, avec qui, comment ??? j’allaite ou pas ? je prends un congé parental ou non ? qui va garder mon bébé ? Mon enfant ?créche ou assistante maternelle ??? Est-ce que je suis prête … le post-partum !

Cette sempiternelle question de savoir si je désire des enfants et cette charge sociale d’avoir un positionnement.

Etre parent c’est bien plus que d’être « biologiquement » parent d’une personne.

Le rôle de parent se conjugue également par la présence que l’on peut avoir auprès d’autres de son entourage, frères et sœurs … neveux nièces cousins cousines…

Être son propre parent. Se reparenter.

C’est en cela que la fertilité est infinie.

Chaque personne est selon moi fertile car nous avons bien plus de choses à léguer qu’un ADN.

La personne que l’on est.

Notre présence.

Nos sentiments.

Nos opinions.

Notre expérience.

Notre amour.

Notre amitié…

C’est fertile et cela grandit tout autant.

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